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se fait dans les commissions. On expédie vivement les votes en séance publique. Si une difficulté se présente, la discussion se renferme entre deux ou trois spécialistes et ne passionne guère le débat. Le temps se passe à lire des rapports fort utiles et fort ennuyeux. Les bons jours sont ceux où quelque enfant terrible lance un pétard qui réveille l’assemblée. Ce sont presque toujours des escarmouches entre l’opposition et le préfet. Il s’agit de faire enrager ce fonctionnaire, que le devoir retient sur son siège, à côté du fauteuil présidentiel. Chaque orateur lui adresse en passant une ruade, qu’il s’efforce de supporter sans broncher. On lui rogne ses dépenses, et l’on épluche curieusement ses comptes. D’autres fois, au contraire, ce sont des politesses dangereuses à son adresse. Mais cette guerre à coups d’épingle ne prête pas aux grands effets. Les séances à sensation sont rares. Aussi l’espace réservé au public est-il généralement vide. Il est amusant d’observer la déconvenue de quelques badauds accourus dans l’espoir d’entendre ou de faire du tapage, et complètement déroutés par la lecture d’un pesant rapport sur les chemins vicinaux. Moins ces assemblées feront parler d’elles, plus elles nous feront de bonne besogne.

On ne s’est pas borné à étendre les attributions du conseil-général. La loi de 1871 a tiré de son sein un enfant, une sorte de conseil restreint et permanent qui le représente en son absence, assiste le préfet et prend des décisions importantes : c’est la commission départementale, calquée sur une institution semblable qui fonctionne depuis longtemps en Belgique et en Italie. Cet organe a, chez nous, quinze années d’existence; je ne sais s’il a beaucoup activé l’expédition des affaires. Bon nombre de préfets donneraient volontiers au diable la commission et son président, lequel a parfois le talent de se rendre insupportable. On plaint avec raison le malheureux chef de division forcé de servir deux maîtres, tiraillé entre son supérieur hiérarchique et le mandataire élu, courant après ses dossiers, voyageant sans cesse d’un bureau à l’autre. On ajoute que ces contrôles multiples se gênent réciproquement et ne produisent pas toujours la lumière. Ce qui est incontestable, c’est que les travaux de la commission instruisent au moins ses membres, et que l’avantage profite indirectement à la communauté, car le conseil-général tout entier y passe par fournées successives, et se trouve ainsi initié aux affaires bien plus complètement que pendant les sessions trop courtes. Il est bon que les mandataires du peuple, à tous les degrés, aient le temps d’apprendre ce que c’est qu’un dossier. Rien ne vaut une telle poignée de documens précis pour couper court aux divagations. La commission départementale est, en somme, une bonne école d’enseignement mutuel. On y bégaie assez péniblement la langue administrative, mais on en sort avec un petit bagage