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politiques. C’est sur lui que l’assemblée de Bordeaux jeta les yeux en 1871 pour servir de contre-poids à la terrible influence de Paris. C’est au conseil-général seul qu’on appliqua les théories libérales qui avaient cours dans les dernières années de l’empire. Il a, dans une certaine mesure, justifié cette confiance. De l’organisation des conseils-généraux datera peut-être, dans notre pays, la fin des révolutions d’hôtel de ville qu’une minorité parisienne imposait au reste de la France. La province a pris conscience d’elle-même ; elle s’est reconnue dans cette assemblée du second degré, qui lui offrait une enceinte plus calme et plus restreinte que le Palais-Bourbon, des délibérations moins inégales et plus éclairées que celles des conseils municipaux. C’est avec raison que la constitution de 1875, consacrant cette résurrection, a confié aux conseils-généraux la haute mission d’organiser la représentation nationale dans le cas où la capitale tomberait encore une fois aux mains de l’ennemi ou des incendiaires. Au prix d’un tel service, les inconvéniens de détail me touchent peu. Il était inévitable que l’organe ainsi constitué fût envahi par la politique. On devait prévoir que chaque élection pour le conseil-général, déviant de son but, serait considérée comme un verdict de l’opinion, et permettrait aux partis de se compter ; que l’assemblée elle-même sortirait quelquefois de ses attributions propres pour voter des résolutions incorrectes. Cependant, même envisagée sous cet aspect, l’institution a donné mieux qu’on n’attendait. Les sorties virulentes deviennent plus rares, les têtes se calment, les conseillers se préoccupent davantage des affaires du département. Il me suffit de constater ici deux notables résultats : le premier, c’est que le conseil-général, dans sa courte histoire, a suivi une marche analogue à celle de tous les parlemens, petits ou grands, de toutes les institutions vivantes qui ont germé parmi les peuples : humbles débuts, avec des attributions d’abord uniquement financières, dont les assemblées se servent pour adresser des remontrances ou des vœux; croissance rapide aux dépens des organes voisins, empiètemens sur le pouvoir exécutif : ce qui est encore un trait de ressemblance avec le vrai parlement. Le second point, c’est que les conseils ont travaillé, qu’ils font tous les jours des progrès, et qu’ils participent largement au développement de la vie administrative. Il suffirait pour s’en convaincre d’ouvrir quelques-uns des volumes, — minces brochures à l’origine, grosses compilations maintenant, — qui contiennent, depuis 1840, le résumé de leurs travaux ; ou, mieux encore, d’entrer dans la salle des délibérations.

On les trouvera sans doute assez ternes, et il faut s’en féliciter. Les affaires locales, quand elles sont traitées sérieusement, n’exigent pas un grand déploiement d’éloquence. Toute la besogne utile