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frappant du fer des lances les prêtres et les religieuses. On compta dix-sept morts. Une femme âgée fut violée sur le cadavre de son mari ; une jeune fille, après avoir subi le même outrage, reçut un coup de lance dont elle mourut le lendemain ; d’autres furent jetées dans les écluses. Un homme contraint de servir de guide à un détachement fut mené à coups de fouet et la cordeau cou. À l’arrivée, on lui logea une balle dans la tête. La nuit, des Prussiens entrèrent dans un pensionnat de jeunes filles. La directrice, les sous-maîtresses, les servantes sont violées. Puis entendant les lamentations des jeunes filles enfermées au dortoir, les soldats en brisent la porte. Affolées de terreur, les malheureuses, presque nues, se réfugient au fond de la salle et s’entassent les unes sur les autres « comme un troupeau de moutons qui ont peur. » Ce spectacle remue au cœur des Prussiens le peu qui y reste de pitié et d’honneur ; ils ont honte d’eux-mêmes : lentement, un à un, ils se retirent, non sans avoir d’ailleurs dévalisé tout le couvent avec la plus grande conscience. À Montmirail, cinquante Cosaques arrivèrent le jour de la foire : « Il y avait beaucoup de monde dans les rues, raconte un habitant, mais chacun se sauva. Le chef fit donner un coup de caisse et expliqua que l’on pouvait circuler librement. Les Cosaques partirent. Une grande heure après, ils revinrent au nombre de quatre ou cinq cents, chargèrent la foule, frappant de la lance et du sabre, piétinant ceux qu’ils renversaient ; plusieurs personnes furent grièvement blessées. Alors ils descendirent de cheval et arrêtèrent une trentaine d’individus. L’un d’eux, dépouillé nu, fut attaché sur une chaise, les pieds dans un baquet de neige fondue, en face de sa maison, dont il dut assister au pillage et au bris. Les Cosaques prirent aussi quinze des notables, les mirent nus et leur donnèrent à chacun cinquante coups de knout. Ils déshabillèrent les hommes et les femmes. Moi-même, j’ai été volé par un chef à qui mes habits et mes bottes convenaient. En majeure partie, des filles et femmes ont été violées, même dans la rue. Il y en a eu qui se sont jetées par les fenêtres pour se soustraire aux outrages. Des pères eurent les mains coupées à coups de sabre en voulant retirer leurs filles des mains de ces brutaux. » À Crézancy, une reconnaissance de gardes d’honneur débouchant à l’improviste dans le village vit ceci : le maire accroché et étranglé à une colonne de son lit ; à ses pieds sa jeune femme violée et évanouie ; sous le berceau de l’enfant, un fagot allumé. Dans le verger voisin, des Cosaques ivres, forçaient à coups de knout des femmes à danser avec eux et le ménétrier à leur jouer du violon. À Sens, le pillage dura neuf jours, — du 11 au 20 février. — « Ces furieux, rapporte l’adjoint, parcourent la ville de jour et de nuit, pénétrant dans toutes les maisons, enfonçant