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qui cumulait les directions du musée et des médailles, ne pensait plus à sauver les tableaux du Louvre. Il s’agissait bien de cela ! on gravait la médaille de Champaubert. Les théâtres encaissaient les plus belles recettes. Beaucoup de gens y venaient, comme à la Bourse d’ailleurs, en uniforme de garde national : c’était la mode du moment. On applaudissait les couplets et les tirades patriotiques des pièces de circonstance. L’Opéra donnait l’Oriflamme ; le théâtre de l’Impératrice, les Héroïnes de Belfort ; les Variétés, Jeanne Hachette ; l’Ambigu, Philippe-Auguste ; la Gaîté, Charles Martel ; le Cirque français, le Maréchal de Villars ; le théâtre Feydeau, Bayard à Mézières :


Entends le chevalier sans peur !
Des murs de Mézière il te crie :
Viens de ton glaive au champ d’honneur
Faire un rempart à la patrie !


La Comédie-Française annonçait la Rançon de Duguesclin, avec Talma et Mlle George. Le Vaudeville jouait l’Honnête Cosaque de Désaugiers, satire des prétendues intentions pacifiques des souverains alliés et de la prétendue discipline de leurs soldats.

Le jour, c’étaient d’autres spectacles : les revues, les défilés de troupes, enfin, le dimanche 27 lévrier, la présentation à l’impératrice des drapeaux pris sur l’ennemi dans les combats de Champaubert, de Montmirail et de Vauchamps. Toute la garnison de Paris était massée sur la place du Carrousel ; le cortège, composé de détachemens de la garde nationale, de la garde impériale et de la ligne, avait à sa tête le général Hullin, commandant la première division militaire. Dix officiers de différentes armes portaient les dix drapeaux : un autrichien, cinq russes et quatre prussiens. Les troupes présentèrent les armes, les tambours battirent aux champs. L’impératrice, entourée des grands dignitaires et des ministres, reçut les drapeaux dans la salle du trône. Aux paroles emphatiques de Clarke, qui se crut obligé de rappeler Charles Martel et les Sarrasins, elle fit cette simple et belle réponse : « Je vois ces trophées avec émotion. Ils sont à mes yeux des gages du salut de la patrie… »

Sans doute, nombre de gens ne jugeaient pas ces victoires décisives et s’attendaient à voir, tôt ou tard, l’empereur repoussé sur Paris. Mais devant la nouvelle attitude de la population, ils n’osaient plus dire tout haut leur pensée. Les alarmistes faisaient trêve. Les plus sûrs témoignages marquent le relèvement de l’esprit public à l’écho du canon de Champaubert et de Vauchamps. Le baron de Mortemart écrit à l’empereur : « Paris est étonnamment changé. La stupeur dans laquelle je l’avais laissé