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patriotisme, mais bien véritablement pour Napoléon. On les appelait les Maries-Louises, ces pauvres petits soldats soudainement arrachés au foyer et jetés, quinze jours après l’arrivée au corps, dans la fournaise des batailles. Ce nom de Maries-Louises, ils l’ont inscrit avec du sang sur une grande page de l’histoire. C’étaient des Maries-Louises, ces cuirassiers sachant à peine se tenir à cheval, qui, à Valjouan, enfonçaient un carré bavarois et. Cabraient avec tant de fureur qu’ils ne voulaient pas faire de quartier. C’était un Marie-Louise, ce tirailleur qui, indifférent à la musique des balles comme à la vue des hommes frappés autour de lui, restait fixe à sa place sous un feu meurtrier sans riposter lui-même, et répondait au maréchal Marmont : « Je tirerais aussi bien qu’un autre, mais je ne sais pas charger mon fusil. » C’était un Marie-Louise, ce chasseur qui, à Champaubert, fit prisonnier le général Alsufiew et ne le voulut lâcher que devant l’empereur. Des Maries-Louises, ces conscrits du 28 de ligne qui, au combat de Bar-sur-Aube, défendirent un contre quatre les bois de Lévigny, en ne se servant que de la baïonnette ! Des Maries-Louises encore, ces voltigeurs du 14e régiment de la jeune garde qui, à la bataille de Craonne, se maintinrent trois heures sur la crête du plateau, à petite portée des batteries ennemies, dont la mitraille faucha 650 hommes sur 920 ! Ils étaient sans capote par 8 degrés de froid, ils marchaient dans la neige avec de mauvais souliers, ils manquaient parfois de pain, ils savaient à peine se servir de leurs armes, et ils combattaient chaque jour dans les plus meurtrières affaires ! Et pendant toute la campagne, pas un cri ne sortit de leurs rangs qui ne fût une acclamation pour l’empereur. Salut, ô Maries-Louises !


IV.

Chateaubriand a écrit, dans les Mémoires d’outre-tombe : « J’avais une si haute idée du génie de Napoléon et de la vaillance de nos soldats, qu’une invasion de l’étranger, heureuse jusque dans ses derniers résultats, ne me pouvait tomber dans la tête. Mais je pensais que cette invasion, en faisant sentir à la France le danger où l’ambition de Napoléon l’avait réduite, amènerait un mouvement intérieur, et que l’affranchissement des Français s’opérerait de leurs propres mains. » Faux jugement, espérances chimériques. La paix signée à Châtillon, à quelques conditions que ce fût, l’empereur n’avait rien à redouter de la France délivrée et rendue à ses foyers et à ses travaux. L’ennemi rejeté au-delà du Rhin, encore moins l’empereur aurait eu à craindre de la France transportée et enorgueillie par ses nouvelles victoires. Malgré les appels à la rébellion