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1814, les huit-dixièmes des hommes incorporés en étaient encore à l’école du soldat[1]. Quant à l’habillement et à l’armement, les magasins et les arsenaux, épuisés par la campagne de 1813, n’y pouvaient suffire. Dans les années précédentes, on avait fait rentrer les fusils des gardes nationales de province. Ces fusils, la plupart en mauvais état, constituaient à peu près les seules ressources de la dernière armée impériale. L’empereur, dit-on, répétait sans cesse : « Pourquoi m’a-t-on caché l’état des arsenaux ? » Les situations des divisions militaires témoignent. Au mois de janvier 1814, il y avait nombre de bataillons au complet d’effets et d’armes. Mais dans les dépôts, quelle misère ! Combien de soldats étaient dans l’état décrit par le général Préval, commandant le grand dépôt de cavalerie de Versailles : « Il vient de m’arriver une compagnie de chasseurs à cheval à laquelle il manque tout, moins les gilets et les pantalons d’écurie. » Deux hommes sur trois, en moyenne, étaient habillés[2], et, chose tout autrement grave, un homme sur deux était armé. Les dépôts de la 1er division militaire (Paris), le 1er janvier, comptaient 9,195 hommes présens et 6,530 fusils ; les dépôts de la 16e division, 15,789 hommes et 9,470 fusils. À Rennes, à Tours, à Perpignan, dans toutes les garnisons de l’ouest, du centre et du midi, c’était pire encore. Voici le 5e léger avec 545 hommes et 150 fusils, le 153e de ligne avec 1,088 hommes et 12 fusils, le 142e avec 324 hommes et 41 fusils, le 115e avec 2,344 hommes et 289 fusils. Les armes blanches même font défaut. Le 1er régiment de chevau-légers a 202 sabres pour 234 hommes, le 17 dragons 187 sabres pour 349 hommes, le 8e cuirassiers 92 sabres pour 154 hommes. — Cent dix, il est vrai, possèdent des pistolets ! — Les chevaux manquent à proportion. La ville de Paris est taxée d’une contribution extraordinaire de 1 million pour fournir 2,000 chevaux à l’artillerie. Au grand dépôt de Versailles, il y a 3,615 chevaux pour 18,577 cavaliers.

Les cohortes actives de la garde nationale, dont l’habillement, l’équipement et, en raison de l’état des arsenaux, l’armement même, incombaient à l’administration civile, n’étaient pas mieux pourvues. Ces hommes portaient la blouse, beaucoup des chapeaux ronds ;

  1. Un exemple entre tant d’autres. Le 1er janvier, les dépôts de la 1re division militaire comptent 1,910 hommes à l’école de peloton et de bataillon, 7,285 à l’école du soldat ; le 15 janvier, 495 hommes à l’école de peloton, 4,523 à l’école du soldat ; le 1er février, 150 hommes à l’école de peloton, 4,563 hommes à l’école du soldat.
  2. Dépôts de Paris au 1er janvier : 4,797 hommes habillés sur 9,195 ; au 15 janvier, 4,523 habillés sur 6,241 ; le 155e de ligne, 74 hommes habillés sur 330 hommes ; le 8e dragons, 75 hommes habillés sur 150, etc.