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cria à la trahison, au jésuitisme ; on vit là un tour de force de casuiste. Ce n’était que la mise en relief d’une vérité historique. Plus fort et plus franc que les auteurs de ce credo d’escamoteurs, Newman retournait contre eux leur piège théologique.

M. Froude prit ses degrés. Agrégé d’Exeter-College en 1842, il fut ordonné diacre en 1844. Il suivait encore, ou paraissait suivre Newman, qui l’employa à écrire les vies de quelques saints anglais et irlandais. Tâche fatale ! Le jeune écrivain était sensible à la poésie des légendes, mais les miracles l’étonnaient, le blessaient : à part l’impossibilité scientifique, il n’y voyait que des jeux puérils. Cependant les événemens se précipitaient. Newman, descendu de sa chaire, vivait dans un petit village, entouré de jeunes hommes qui étudiaient et priaient avec lui ; sa maison était un couvent, moins le nom. Dans une sorte de testament religieux qu’il avait laissé, en mourant, à ses frères, Hurrell Froude leur disait ceci : « Quand vous verrez Keble et Newman en désaccord, alors, mais seulement alors, reprenez votre indépendance, et croyez comme vous pourrez. » Ce jour-là, dans la pensée du mourant, ne devait jamais venir. Il vint pourtant, et lorsque Newman, en 1845, eut définitivement embrassé la foi romaine, James-Anthony Froude se trouva sans guide spirituel, moitié prêtre et moitié laïque, debout sur le seuil du sanctuaire, hésitant à y pénétrer.

Il songea à la littérature. N’est-ce pas le refuge de tous ceux qui ne veulent plus de leur métier ou dont leur métier ne veut plus ? En 1847, il publia, sous le pseudonyme de Zêta, un petit volume intitulé : les Ombres des nuages. Les deux nouvelles qui le composaient ne répondaient que trop bien à ce titre prétentieux et vague. Les situations étaient des impossibilités, les caractères des fantômes. A quelques observations fines, à quelques traits d’humour, un expert eût peut-être deviné, dans cette œuvre ennuyeuse et enfantine, le talent qui se trompe de route. Mais le grand public n’avait que faire d’un livre où les digressions, les demi-confidences, les réminiscences de l’étudiant et du collégien tenaient la place des événemens et des sentimens.

Tout autrement intéressante est la Némésis de la foi, qui parut l’année suivante et fit quelque bruit dans le monde universitaire et clérical. Le héros, Markham Sutherland, est placé dans la position délicate où se trouvait l’auteur lui-même. On le presse d’entrer dans les ordres et il s’y refuse. Il écrit à un ami pour lui exposer ses scrupules, ou plutôt pour lui raconter ses angoisses. Il lui est impossible de « prêcher » la Bible. Peut-être pourrait-il imposer silence à sa raison, mais c’est son cœur qui proteste : or le cœur ne peut errer. Un Dieu immoral, rancuneux et cruel ne sera jamais son Dieu. Du Nouveau-Testament, il refuse d’accepter tout ce qui