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UN
CRITIQUE D’ART ANGLAIS
SES PREFERENCES ET SES REPENTIRS

M. Vernon Lee réunit la plupart des qualités requises pour être un excellent critique d’art. Il a beaucoup voyagé, il a couru le monde et les musées, il connaît à fond l’Italie, et non-seulement ses églises, ses galeries, mais ses trésors cachés. Il est versé dans l’histoire de la peinture, de la musique comme de la littérature, et il est philosophe. Quelque question particulière qu’il traite, il en fait sortir des vérités générales. Qu’il étudie les deux belles fresques de Botticelli, récemment transportées de la villa Lemmi au Louvre, ou qu’il s’occupe de la Bergère fidèle, pastorale de Fletcher, il agrandit, il féconde son sujet, et ses conclusions, souvent fort justes, quelquefois contestables, sont toujours intéressantes. Il semble avoir médité Platon, s’être pénétré de sa méthode. Il n’a garde de poser des thèses et de les démontrer à grand renfort d’argumens et de textes. Il part sans dire où il va, il marche d’un pied léger, on l’accompagne, on le suit, et à travers maint détour on finit par arriver. Ajoutons qu’il a de la chaleur et du pittoresque dans le style, de l’esprit, parfois de l’éloquence, et qu’il possède l’art si difficile de décrire sans ennuyer jamais. Son dernier livre, recueil d’essais d’inégale valeur sur diverses questions d’esthétique, est agréable à lire et fait penser[1].

  1. Juvenilia, being a second series of essays on sundry aesthetical questions, by Vernon Lee, 2 vol. Londres, 1887; T. Fisher Unwin.