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qu’il faudrait voir, c’est en quels temps ils furent plus conformes à la vérité, et c’est ce que le prince Napoléon a oublié de rechercher.

Quant aux Mémoires de Miot de Mélito, que le prince Napoléon a compté que M. Taine citait "quatorze fois,» sa grande raison pour en repousser le témoignage et en contester la valeur, c’est, dit-il, que la publication en est due au gendre de l’auteur. M. de Fleischmann, « général allemand très hostile à Napoléon, et qui s’est peut-être laissé dominer par le souvenir de sa conduite en 1813. » On a déjà répondu, voilà vingt ans, au prince Napoléon, que M. de Fleischmann affirmait n’avoir pas mis un mot de lui dans les Mémoires de son beau-père, et que, peut-être. il n’appartenait guère de soupçonner la parole d’un officier wurtembergeois au fils d’une princesse de Wurtemberg et d’un ancien roi de Westphalie. Mais, d’ailleurs, où, en quel endroit des Mémoires, le général de Fleischmann a-t-il montré son « hostilité » contre Napoléon? sur quelles preuves insinue-t-on qu’il s’est « peut-être » laissé dominer par le souvenir de sa conduite en 1813? quelle fut sa conduite en 1813, sinon « peut-être » celle d’un Allemand? et de quel droit enfin l’accuse-t-on ainsi de falsification de textes historiques? C’est ce que ne nous dit point le prince Napoléon. Et, en attendant qu’il l’ait dit, c’est ce qui nous permet d’accorder aux Mémoires de Miot de Mélito la même confiance qu’à tous ceux que le prince Napoléon veut que nous consultions : Bignon, Gandin, La Valette, Champagny, Caulaincourt, — et sans en excepter ceux mêmes de M. X.., dont je ne puis croire qu’il ignore l’auteur.

On pourrait ajouter que ces Mémoires ou ces écrits dont le prince a si longuement discuté, non pas l’autorité, mais uniquement les auteurs, — ce qui est fort loin d’être la même chose, — ne sont pas les seuls dont M. Taine ait invoqué le témoignage; qu’il y en a vingt autres, ceux de Roederer et ceux de Mollien, ceux de Ségur et ceux de Champagny, qu’il y a la Correspondance de Napoléon et le Mémorial de Sainte-Hélène; que tous ces documens concordent en plus de points qu’on ne le laisse entendre avec les Mémoires de Mme de Rémusat et de Miot de Mélito, avec ceux de M. de Metternich et les pamphlets de l’abbé Pradt. Mais, plutôt, laissons de côté ces questions de critique historique, bonnes à remuer dans les écoles ou dans les académies, et venons au fond du sujet. Le prince Napoléon trouve-t-il qu’eu anatomisant la structure mentale du grand homme, et en nous décrivant cet esprit qui, « par sa compréhension et sa plénitude, déborda au-delà de toutes les proportions connues ou même croyables, » M. Taine ait diminué l’idée qu’on doit s’en faire et outragé la mémoire de Napoléon? Ou trouve-t-il vraiment qu’en faisant de Napoléon, « pour la cohérence et la logique interne de son rêve, pour la profondeur de sa méditation, pour la grandeur surhumaine de ses conceptions, » un frère posthume de