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lombards établis à Pesth, à Cracovie. à Varsovie ou jusque dans l’Asie centrale à la cour du sultan Babour!

Les argumens produits par M. Richter offrent d’ailleurs plus d’une particularité propre à nous frapper. C’est d’abord, dans un manuscrit du British-Museum, une allusion aux éruptions de l’Etna et du Stromboli. Puis, dans la bibliothèque de Windsor, une description de l’île de Chypre. Un des manuscrits de Léonard appartenant à l’Institut de France contient un projet de pont à côté duquel est écrit: Ponte da Pera à Costantinopoli pont de Péra à Constantinople. Enfin, dans une sorte de parabole sur la prohibition du vin, Léonard se montre familiarisé avec un des traits caractéristiques des mœurs musulmanes. Mais voici une présomption qui paraît encore plus probante : le fameux Codex atlanticus, de Milan, contient le brouillon d’une lettre adressée au diodario di Sorio, c’est-à dire au diodare de Syrie, et contenant le récit des travaux entrepris pour le sultan de Babylone, c’est-à-dire pour le sultan du Caire, par l’auteur de cette lettre : « Je me trouve ici en Arménie pour me livrer avec dévoûment aux travaux dont vous m’avez chargé en m’y envoyant, écrit Léonard. Pour commencer dans les contrées qui me paraissent le plus à notre propos, je suis entré dans la ville de Chalendra. C’est une ville voisine de notre frontière, qui est située sur les côtes, au pied du mont Taurus... » Une autre lettre débute ainsi : « Je ne mérite pas, o diodario, d’être accusé de paresse, comme vos reproches paraissent l’indiquer. Mais bien plutôt, comme votre bienveillance, qui a créé pour moi la charge que j’ai obtenue de vous, est sans limites, je me sens obligé à faire les recherches et à approfondir avec ardeur les raisons d’effets si considérables et si étonnans ; mais cette affaire m’a bien coûté du temps... « Il résulterait du rapport dont Léonard s’était chargé que l’artiste avait été envoyé d’Egypte en Asie-Mineure comme ingénieur du sultan Kaït-Bai. D’après des documens arabes dont des extraits ont été communiqués par M. Schéfer, le savant directeur de notre école des langues orientales vivantes, ce souverain aurait fait un voyage, en 1477, dans les vallées de l’Euphrate et du Tigre, pour inspecter les forteresses qui. environ quarante ans plus tard, devaient tomber entre les mains des Turcs. En 1483, il y eut en Syrie, et surtout à Alep, un tremblement de terre épouvantable auquel le terme grande e stupendo effetto paraît faire allusion. Léonard parle en détail, dans son rapport, « de la ruine de la ville et du désespoir des habitans. Ces descriptions sont illustrées par des dessins de sa main, qui représentent des rochers dont les noms arabes sont notés avec des lettres italiennes et par une petite carte géographique de l’Arménie. » A l’appui de ces lettres viennent des dessins représentant les montagnes du Taurus; ailleurs encore, on rencontre