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qu’ils y trouveraient. Le chirurgien-major me prévint, de son côté, qu’il y avait 22 hommes hors de combat. » Les pertes de l’ennemi étaient plus considérables encore : naturellement on l’ignorait. Sur un équipage de 180 hommes, la Terpsichore comptait 21 hommes tués, dont un lieutenant, et 22 blessés. Deux de ces hommes succombèrent plus tard à leurs blessures. La Terpsichore cependant se disposait à reprendre, dès qu’elle le pourrait, l’offensive. Les traditions de la marine anglaise, à cette époque, lui en faisaient une loi. Le capitaine eût été coupable qui se fût contenté de repousser l’attaque d’une frégate française : il était tenu, sous peine dépasser devant une cour martiale, d’essayer, à tout risque, de la prendre. Plus d’un se trouva mal de cette obstination; d’autres lui durent une victoire remportée contre toute probabilité. Les armées de terre offraient le même spectacle : en notre faveur, cette fois. Rien de tel que de bien commencer.

L’état de sa mâture inquiétait surtout, et, disons-le, inquiétait à bon droit, le remplaçant du capitaine Motard. Il pouvait se rappeler que, faute d’avoir su réparer à temps ses avaries, la Piémontaise avait été récemment capturée par le San-Fiorenzo, à la reprise d’un combat qui donnait de meilleures espérances. Le lieutenant Duburquois, dans le rapport que nous avons sous les yeux, insiste avec raison sur les précautions qu’il crut, à ce sujet, devoir prendre. « Mes premiers soins, écrit-il, furent d’assurer le grand mât, qui n’était plus soutenu. Le temps se mit à grains, et il y eut un peu de pluie. Le vent fut alternativement calme et frais de l’est-nord-est. La mer, devenue houleuse, rendait de plus en plus inquiétantes les avaries de nos mâts. Nous avions le cap à l’ouest 1/4 sud-ouest. Je fis prendre peu à peu du sud à la route, pour éviter l’approche de Pointe-de-Galles, où nous avions appris qu’il y avait des croiseurs. »

Rendons-nous bien compte de la situation. Voici une frégate perdue, isolée, au milieu du vaste Océan-Indien. Qu’une voile apparaisse à l’horizon, cette voile sera nécessairement suspecte; la meilleure chance à prévoir, c’est que la voile soit neutre. Pour des secours, il n’en faut point attendre, ni du nord, ni du sud, ni de l’est, ni de l’ouest; on tournerait vainement les yeux vers les quatre points cardinaux. L’espoir de revoir un jour le port réside tout entier dans une marche supérieure assistée d’une mâture intacte. Quand les mâts branlent, quand les vergues fléchissent, fût-on cent fois vainqueur, eût-on renouvelé les prouesses de la Surveillante, eût-on vu l’incendie dévorer le Québec et couché triomphant sur le champ de bataille, il est impossible de ne point songer que peut-être les pontons de Portsmouth ne sont pas loin.