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Le 15 juillet 1802, il obtenait le commandement de la frégate la Sémillante; le 23 septembre 1803, le grade de capitaine de vaisseau. La grande carrière, celle où l’on travaille pour soi-même, lui était ouverte.


III.

La Sémillante portait le nom de frégate : nous l’appellerions aujourd’hui une corvette. La Bayonnaise eût été assurément de force à lui prêter le côté. Les frégates, au temps des guerres de la république et du premier empire, se divisaient en deux classes : les plus fortes étaient armées de quarante-quatre pièces du calibre de 18; les autres de trente-deux pièces du calibre de 12. La Sémillante appartenait à la seconde classe. Elle était, par bonheur, douée d’une marche tout à fait supérieure. Cet avantage lui permit de parcourir impunément, pendant près de six ans, les mers de l’Inde. Du 24 décembre 1802 au 16 mai 1808, Roussin partagea sa fortune.

Le 6 mars 1803, l’escadre de l’Inde, commandée par le contre-amiral Linois, composée, comme nous l’avons dit, du Marengo, de la Belle-Poule, de l’Atalante, de la Sémillante et de deux transports, quitte la rade de Brest. Sa mission apparente est des plus simples : le premier consul charge le général Decaen, embarqué sur le Marengo de reprendre possession des établissemens que la guerre nous avait ravis et que le traité d’Amiens nous restitue. Un violent coup de vent sépare la frégate la Belle-Poule de l’escadre. Cette excellente marcheuse apparaît la première sur la rade foraine de Pondichéry : elle y mouille le 16 juin 1803, cent deux jours après son départ de Brest.

Les Anglais ne rendent pas facilement ce qu’ils ont pris, — les Gladstone ne se rencontrent pas chez eux tous les jours; — L’horizon politique, du reste, était à l’orage. Le lieutenant du général Decaen, embarqué sur la Belle-Poule, réclamait la remise de la factorerie qu’il venait occuper : on lui opposa des difficultés inattendues. Le 5 juillet arrive de Bombay sur la rade de Cuddalore, rade située à une vingtaine de milles au sud-ouest de Pondichéry, l’escadre anglaise du vice-amiral Rainier. Un vaisseau de 74, le Tremendous deux vaisseaux de 64, le Trident et le Lancaster ; un vaisseau de 50, le Centurion; trois frégates, la Concorde, la Dédaigneuse, le Fox, sont ainsi en mesure de prêter, quand il le faudra, leur appui aux scrupules du commandant anglais de Pondichéry.

Le 11 juillet, au matin, la Belle-Poule est rejointe par le Marengo, par l’Atalante et par la Sémillante. L’escadre anglaise, dès ce moment, se rapproche : elle mouille à mi-chemin, entre Pondichéry et