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sur les vaisseaux du roi en qualité de volontaire. Ce n’est qu’après sept années de service à la mer, et toujours la révolution aidant, que Léonard-Bernard Motard est nommé, le 1er avril 1793, enseigne de vaisseau aux appointemens de 1,200 francs. Il sert alors sous les ordres de son père François Motard, à bord du vaisseau le Brillant. Il y exerce même les fonctions de « lieutenant en pied. » Le lieutenant en pied était, à cette époque, le commandant en second du bâtiment.

En 1794, le 21 décembre, Bernard Motard, livré à ses propres forces, a obtenu le grade de lieutenant de vaisseau, avec les appointemens de 3.300 francs. Beaux appointemens ! s’ils étaient payés. Du Brillant, Motard est passé sur le vaisseau l’Heureux : il y occupe le poste d’officier de manœuvre. L’Heureux fait partie de l’armée navale de la Méditerranée aux ordres du vice-amiral Martin. Motard assiste et prend une part des plus honorables aux combats du 16 mars 1794 et du 11 juin 1796. On le cite déjà comme un officier instruit. Les officiers instruits, en 1796, étaient plus rares que les officiers braves. Motard est resté imbu des traditions de la grande époque : les amiraux s’empressent de l’attirer dans leur état-major. Sur le Tonnant, il est, en 1796 et en 1797, lieutenant-major de la troisième escadre. Sur l’Orient et sur le Guillaume-Tell, il accompagne Brueys dans sa belle campagne de l’Adriatique. Le 1er mai 1798, la république lui confère le grade de capitaine de frégate. « Lieutenant-adjudant en chef, » en d’autres termes sous-chef d’état-major de l’armée qui va porter Bonaparte en Égypte, Motard dirige à Malte le débarquement des troupes au nord de l’île. Devant Alexandrie, il préside à une opération plus délicate encore. Il jette au milieu des brisans le général en chef et le premier détachement de soldats sur la plage du Marabou. Au combat d’Aboukir, il reçoit deux blessures. C’est une tradition de famille. L’Orient saute : Motard sort de l’explosion vivant.

Recueilli sur un débris enflammé par les Anglais, le lieutenant-adjudant est renvoyé en France sur parole. En 1799, il est échangé : libre, par conséquent, de reprendre du service et de retourner à de nouveaux dangers. Ses aptitudes semblaient le vouer aux fonctions de chef d’état-major. L’amiral Ganteaume réclame son concours. Nous le trouverons aux côtés de cet officier-général à bord du vaisseau l’Indivisible, dans la campagne qui amena la prise du vaisseau anglais le Swiftsure et de la frégate le Success : plus tard, quand viendra la paix d’Amiens, Ganteaume emmènera encore ce fidèle compagnon à Saint-Domingue. « Nous suivions son étoile, » est devenue la devise de Ganteaume depuis le jour où il ramena, sur la frégate le Muiron, Bonaparte d’Égypte. Motard ne suivit pas jusqu’au bout l’étoile de Ganteaume, et sa gloire n’y a rien perdu.