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vagues sur la littérature du jour, soit enfin que plus tard, sous le coup des émotions les plus vives, à la date de l’année terrible, elle retraçât dans le Journal d’un voyageur pendant la guerre les angoisses publiques, les douleurs et les inquiétudes privées dans un style attristé, mais viril, tout vibrant de patriotisme. Le reste de cette vie prodigieusement active, s’il pouvait y avoir encore un excédent de minutes libres dans des journées si occupées, était la partie réservée à une Correspondance infatigable, qui était comme le complément tenu au jour le jour de cette biographie commencée sur une large échelle, l’Histoire de ma vie, remontant beaucoup trop haut dans la biographie de sa famille, arrêtée trop tôt, où abondent les pages les plus curieuses, d’autres tout simplement exquises, comme le récit du séjour au couvent des Anglaises.

Et dans cette nomenclature rapide, que d’œuvres nous omettons, que de petits chefs-d’œuvre nous laissons dans l’ombre!

Nous avons essayé de faire l’histoire des œuvres de George Sand. C’est quelque chose comme la biographie de son talent, réparti en quatre périodes : la première (1831-1840), qui est celle du lyrisme personnel, où les émotions contenues pendant une jeunesse solitaire et rêveuse éclatent dans des fictions brillantes et passionnées; la seconde (1840-1848), où l’inspiration est moins personnelle et où l’auteur s’abandonne à l’influence des doctrines étrangères, c’est la période du roman systématique; la troisième (1848-1860 environ), qui se marque par une lassitude visible des théories, par une tendance à un genre simple, naïf et vrai, par le triomphe de l’idylle et par la recherche passionnée d’une forme nouvelle du succès, le succès au théâtre ; la dernière, qui embrasse toute la fin de cette vie si féconde (1860-1876), et que signale un retour au roman de la première manière, mais où la flamme est tempérée par l’expérience, parfois même amortie par l’âge, quelque peu languissante en dépit de chefs-d’œuvre qui subsistent et semblent protester contre cette impression par la vigueur toujours jeune et la pureté de l’inspiration.