Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de hâte déplaisait, eu conçut un peu d’humeur et même quelque inquiétude sur la sincérité des engagemens qu’on prenait envers lui à Hanovre au même moment[1].

Un mécompte plus grand encore fut causé, — sinon à Frédéric (qui n’avait jamais fait aucun fonds sur l’appui éventuel du roi de Pologne). — du moins aux agens français, par le changement subit qui survint, vers les derniers jours précédant l’élection, dans le langage et la conduite de l’envoyé de Saxe, le comte de Loos. A son arrivée, bien que sa manière d’être fut très louche et son langage peu rassurant, cet agent laissait pourtant encore planer quelque incertitude sur le vote qu’à la dernière heure il aurait à émettre. Il faisait entendre que, s’il s’était refusé à s’associer aux protestations de ses collègues prussiens et palatins, c’était pour garder son action dans la diète, afin de ralentir et au besoin d’entraver la marche de l’opération électorale. Soudainement, il jeta le masque, et, ne se séparant plus de l’envoyé d’Autriche, il annonça tout haut que sa voix était acquise au grand-duc.

C’était (il n’en fit pas mystère) l’effet direct de l’apparition menaçante du prince d’Anhalt et des troupes prussiennes sur la frontière de Saxe. Si Frédéric, par cette démonstration, avait pensé intimider son voisin, il était loin de compte. Auguste en prit occasion, au contraire, pour sortir d’une situation indécise, qu’il n’avait prolongée que pour éviter d’être poussé à bout et exposé à des extrémités trop rigoureuses. Puisqu’on ne le ménageait plus, dit-il, il n’avait plus lieu de garder lui-même aucune réserve. C’est ce qu’il déclara en termes très nets au ministre de France, Vaulgrenant, et l’annonce fut commentée avec une vivacité plus grande encore par le comte de Brühl, personnellement très irrité d’avoir été désigné dans le manifeste prussien par quelques-unes de ces qualifications injurieuses et piquantes dont Frédéric n’avait jamais le bon goût de se priver, même dans ses documens officiels. Une explication très aigre eut même lieu à ce sujet entre Brühl et Vaulgrenant, chez l’ambassadeur d’Espagne, et en présence d’une nombreuse réunion d’assistans. Brühl se laissa aller à exhaler tout son dépit. — « Je tâchai, dit Vaulgrenant, de garder autant de sang-froid que l’autre montrait de fureur. Vous entendez, ai-je dit au ministre d’Espagne, ce qu’on nous dit ? Vous voyez quel est le fruit de nos soins et quelle reconnaissance on nous témoigne ? .. Vous concevez que notre présence ici est déplacée, en même temps qu’elle devient

  1. Droysen, t. II, p. 541-543. — Frédéric à Podewils, 1er septembre 1745. — Pol. Corr., t. IV, p. 275.— Note autographe de d’Argenson, 24 août 1745. (Correspondance d’Allemagne. — Ministère des affaires étrangères.)