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Je viens, monsieur, grâces au Seigneur, de gagner une dernière bataille et, en vérité, un peu contre mes espérances… J’attends mon courrier avec impatience. Si Sa Majesté me permet de signer, l’article des Catalans me paraissant accordé, cela sera bientôt consommé ; mais s’il y avait des difficultés que je ne prévois pas, je vous supplie au moins, monsieur, que le retour de ce dernier courrier les termine, si vous voulez finir. N’aurai-je pas le bonheur de voir dans vos lettres que vous êtes content ? Je m’en flatte…


Les illusions de Villars s’étaient encore accrues par cet incident ; il aggrava les imprudences de sa précédente expédition par un redoublement d’enthousiasme, et attendit, dans la joie de son âme, avec une impatience surexcitée, le courrier qui devait lui apporter, avec la glorification de ses mérites, les témoignages éclatans de la satisfaction royale.

Le réveil fut cruel ! Les dépêches de la cour, arrivées le 24 janvier, ne renfermaient que des critiques : le roi, avec des formes exquises et des ménagemens délicats, déclarait le projet de traité dangereux, inacceptable, et le refusait péremptoirement. Torcy gardait encore les formes, mais critiquait le texte sans ménagement. Voysin blâmait sans formes ni ménagement. Mme de Maintenon ne répondait même pas et gardait un silence désapprobateur. Un long mémoire, rédigé par les soins de Torcy, examinait tous les articles du projet l’un après l’autre et les passait au crible d’une analyse impitoyable. Sur les vingt-cinq articles, trois seulement, articles de pure forme, résistaient à cet examen ; tous les autres étaient mis de côté. La susceptibilité royale et l’expérience diplomatique y avaient découvert, outre les imperfections signalées ci-dessus, une foule de défauts de détails : ici des expressions blessantes pour le roi, là le mot France employé au lieu de celui de roi, là la reconnaissance de l’électeur de Hanovre que Louis XIV ne voulait insérer que dans le traité d’extension, et l’omission de la reconnaissance de l’empereur à laquelle il tenait, — partout un oubli des formes habituelles et des précautions ordinaires de la diplomatie. Le roi était surtout mécontent de voir que, malgré ses ordres formels, le projet avait la forme d’une convention préliminaire et non celle d’un traité définitif. « Ce n’est pas réellement un traité de paix, écrit-il, mais seulement un traité préliminaire, à peu près dans l’idée de celui qui fut proposé en 1709, qu’il semble que le prince Eugène ait voulu prendre pour modèle. » Torcy appuie encore sur ce rapprochement : « Le prince Eugène s’est bien souvenu de la méthode que les plénipotentiaires de Hollande lui ont donnée de traités préliminaires. » Aussi, pour éviter à l’avenir toutes ces fautes, Louis XIV