Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle reçoit un livret de caisse d’épargne sur lequel on inscrit toute somme produite par le travail ou donnée par quelque personne charitable. Parfois, toutes les élèves sont appelées à participer à une largesse collective ; ainsi, à l’époque de l’effondrement provoqué de l’Union générale, d’où résulta ce violent mouvement de bascule financière que l’on a nommé le krach, un banquier israélite, n’ayant point été atteint par le désastre et voulant faire partager sa bonne fortune aux malheureux, donna 100 francs à chacune des pupilles de Mme Coralie Cahen. A ces sommes, qui sont la propriété individuelle et inaliénable des écolières, vient s’ajouter la valeur des prix mérités par la conduite, le travail et l’assiduité. A la dernière distribution générale des prix (15 mai 1887), outre les volumes traditionnels, des jouets nombreux et huit montres en argent, on put répartir entre onze élèves une somme de 1,025 francs, représentant des récompenses variant de 200 à 50 francs. Argent et objets étaient dus aux libéralités des dames du comité, qui me semblent prendre leurs fonctions au sérieux.

Le livret n’est remis à la pupille que lorsqu’elle a atteint l’âge de vingt et un ans. Les petites sommes se sont accumulées, ont fructifié de l’ensemble des intérêts composés et sont un appoint appréciable pour l’entrée dans la vie. Une élève, âgée de vingt ans et demi, est depuis trois années au service de l’orphelinat ; son livret est déjà de 700 francs. Une autre, qui n’a guère plus de quinze ans, qui deux fois déjà a mérité le prix d’honneur (200 francs, produits d’une fondation perpétuelle), possède 600 francs ; plusieurs ont un petit capital de 400, de 500 francs. Ce n’est pas tout, et, dans certains cas, le comité des dames patronnesses fouille dans ses poches et y trouve de quoi récompenser une longue série d’années exemplaires. Une pupille admise dans la maison aux premières heures de l’installation a passé ses examens, obtenu ses brevets et est restée, en qualité d’institutrice, auprès de ses anciennes camarades. Relativement riche de ses économies et du fruit de son travail, elle avait 1,800 francs bien placés. Elle fut recherchée en mariage par un honnête homme qui occupait une bonne situation dans une des grandes raffineries parisiennes ; la dot était maigrelette ; le comité s’en aperçut, se cotisa et la porta jusqu’à 3,000 fr. Il me parait difficile de faire le bien avec plus d’intelligence et plus de délicatesse.

On cherche à conserver dans la maison, avec un bon emploi, celles des enfans que la mort, que l’abandon ont faites orphelines, ou qui ne trouveraient dans leurs familles que des exemples pernicieux et des conseils pervers. Une fillette, enlevée à un milieu déplorable, recueillie à l’âge de dix ans dans la bonne maison, y est