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sévérités de la loi envoyaient à la correction paternelle. Il y a une quarantaine d’années et plus, la colonie juive, campée dans les ruelles du faubourg Saint-Marceau et de la Cité, fournissait de nombreuses recrues à la débauche vénale ; les « petites Haubert, » les modèles de la rue aux Fèves, étaient presque célèbres par leur précocité. Quelques-unes ont fait des fortunes surprenantes ; d’autres, après avoir roulé dans toutes les fanges, se sont retrouvées dans les salles de la Salpêtrière ou entre les brancards d’une charrette de marchande des quatre-saisons. Les unes et les autres, celles qui devaient habiter des palais sur les rivages du golfe de Naples ; celles qui, alcooliques et mendiantes, étaient réservées aux cellules du dépôt, ont traversé Saint-Lazare aux jours de leur début dans le vice, vers la treizième et la quinzième année. Israël s’émut du sort fait aux jeunes pécheresses de sa race et voulut leur venir en aide. La catholicisme ouvrait les refuges du Bon-Pasteur, de Saint-Michel, de la Miséricorde ; le protestantisme recueillait ses petites coreligionnaires coupables à la Retenue, que surveillent les diaconesses[1] ; le judaïsme ne voulut point rester en arrière, et il créa la maison de Romainville pour protéger ses jeunes filles contre elles-mêmes et les défendre contre la contagion des prisons administratives. Là, comme dans les établissemens des communions chrétiennes, on essaya de combattre la perversité des instincts, le résultat des mauvais exemples, et de relever les malheureuses qui s’étaient laissées tomber ou qui avaient couru au-devant de leur chute. C’est une tâche pénible, mais que les femmes poursuivent avec acharnement, et qui parfois s’exerce avec une énergie que L’on prendrait pour un instinct de l’espèce. Toute conception ! d’œuvre charitable semble entraînée à regarder d’abord vers la femme, vers la faiblesse, et c’est par réflexion qu’elle se reporte sur l’homme ; Dans une étude précédente[2], j’ai fait remarquer que sur cent soixante-trois maisons secourables ouvertes aux enfans et aux adolescens dans le département de la Seine, dix-huit seulement sont consacrées aux garçons ; les cent quarante-cinq autres ne : s’occupent et ne veulent s’occuper que des fillettes qui ne sont point encore majeures. Les conséquences de l’inconduite sont individuellement plus graves pour la femme que pour l’homme, j’en conviens ; mais socialement à n’en va point de même, puisque, dans les arrestations pour crimes et délits opérées de 1881 à 1885. dans le département de la Seine, la proportionnes hommes est de 87 pour 100 et celle des femmes seulement de 13. C’est donc bien, le péché

  1. Voyez la Revue du 15 Juillet.
  2. Voyez la Revue du 1er août, l’Orphelinat des apprentis.