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Russie et la France. Il y a une situation où toutes les politiques sont libres, où, à défaut d’alliances précises, permanentes, il peut toujours y avoir entre de grands états comme la France et la Russie des rapprochemens utiles, et ces rapprochemens, ce ne sont pas les démonstrations vaines qui les préparent, ce sont les intérêts communs qui les font au moment voulu.

Ce n’est point de la Bulgarie que l’Angleterre est le plus occupée aujourd’hui, quoiqu’elle ait assurément son rôle, comme toutes les autres puissances, dans ce nouvel imbroglio oriental. Ce n’est pas non plus pour l’Égypte qu’elle s’inquiète : depuis l’échec définitif de la convention qu’elle avait signée avec le sultan, elle laisse un peu sommeiller ces affaires égyptiennes qu’elle reprendra sans doute un jour ou l’autre, qu’elle pourra reprendre dans des conditions meilleures, si elle veut bien reconnaître que la France a, elle aussi, ses intérêts sur le Nil. Ce n’est pas la politique extérieure qui trouble les Anglais : le chef du cabinet s’exprimait dernièrement, à un banquet du lord-maire, en homme plein d’une confiance peut-être un peu optimiste dans la durée de la paix en Europe. C’est de l’Irlande et toujours de l’Irlande que gouvernement et parlement sont encore occupés dans cette fin de session, où la chambre des communes, au dire de lord Salisbury, semble avoir été reprise, « avec complication, d’une maladie déjà ancienne, dont les principaux symptômes sont l’abus des discours et l’absence de travaux utiles… » Il en est ainsi, en effet : cette session anglaise se prolonge au-delà de toute mesure, elle ne finit pas, et c’est toujours l’Irlande qui est en cause, qui reste l’obsession du parlement, l’embarras croissant du ministère. Plus que jamais la lutte est maintenant engagée, et on ne sait certainement pas comment elle se dénouera. Le gouvernement, armé comme il l’a été par le bill de répression, a définitivement pris une grande mesure, dont le vice-roi d’Irlande, lord Londonderry, est chargé d’être l’exécuteur. Une proclamation a été publiée, mettant pour ainsi dire hors la loi la ligue nationale irlandaise, qui est déclarée association illicite et dangereuse pour l’état. Dès ce moment, le lord-lieutenant peut la supprimer d’une manière générale et sommaire, ou partiellement, comme il l’entendra ; il adroit de vie et de mort sur une association qui embrasse la plus grande partie, la partie la plus vivace du peuple irlandais. Avant qu’on en vint là cependant, une nouvelle et dernière discussion était inévitable, et elle s’est effectivement engagée. C’est M. Gladstone lui-même qui s’est chargé de mener le combat avec son infatigable ardeur. Après lui, tous les orateurs, adversaires ou amis du cabinet, M. Balfour, M. Goschen, lord Hartington, sir William Harcourt, se sont mêlés au débat, qui s’est terminé au profit du gouvernement. Rien n’était sans doute plus facile que d’user de représailles avec M. Gladstone, de le mettre