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de Saïs décrivirent à Solon et dont l’écho affaibli des siècles passés nous a transmis le nom et conservé le souvenir ? Nul ne le sait. Le navigateur qui parcourt les solitudes marines sous lesquelles dorment à jamais ces terres disparues voit se dérouler devant lui l’interminable horizon des vagues en mouvement. Il passe, sans soupçonner leur existence, sur des montagnes énormes, sur des abîmes profonds, sur des plaines et des vallées, sur tout un monde détruit dont nous ignorerons toujours la naissance, l’histoire et la ruine, et que nos continens actuels iront peut-être rejoindre le jour où, suivant l’hypothèse de certains géologues, l’équilibre des pôles rompu par l’entassement des glaces amènera un cataclysme nouveau.

Dans l’Océan-Pacifique du sud, nous avons vu, d’une part, les débris d’un continent submergé ; de l’autre, le résultat de l’action lente et constante des polypiers à l’œuvre, faisant surgir de l’océan des îles nouvelles, puis des archipels, les reliant les uns aux autres, reconstruisant ce qui a cessé d’être, solidifiant la mer à laquelle ils empruntent, pour les sécréter et les fixer au roc, les molécules impalpables de matière solide qu’elle contient en dissolution. En nous élevant vers le nord, nous allons voir une autre force à l’œuvre, non plus lente et constante, mais violente et intermittente : les volcans, qui ont créé, avec les grands archipels d’Asie, ceux des Sandwich, et dont l’action soudaine soulève au-dessus des flots des îles de lave, fait osciller l’océan, et pousse d’un continent sur l’autre, à travers un espace de 2,000 lieues, des vagues de translation énormes et profondes.

Sans eux, les agens naturels qui s’acharnent à la destruction de notre globe : la pluie, les fleuves, la gelée, le vent, les vagues, finiraient par avoir raison du sol qu’ils minent avec persistance, entraînant dans les mers les molécules de matière qu’ils dérobent à la terre, désagrégeant les montagnes, comblant les vallées, érodant les plaines. L’étendue des mers étant bien supérieure à celle des terres, le sol se nivellerait sans cesse, jusqu’au jour où le linceul des vagues recouvrirait l’espace qu’elles occupent. Les volcans, ces forces élévatrices, contre-balancent cette action en ramenant sans relâche, des entrailles de notre globe, des approvisionnemens nouveaux de matière solide ; seuls, ils peuvent soulever les dépôts accumulés au fond, des mers, surexhausser les terres, refouler l’océan. La plus grande partie du littoral de l’Amérique du Sud s’est élevée de plusieurs centaines de mètres, à la suite de violentes secousses de tremblemens de terre. Celui de 1822, d’après les calculs de sir C. Lyell, a accru le continent sud-américain d’une masse rocheuse dont le poids dépasse cent mille des grandes pyramides d’Egypte.