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géologique, la durée de l’influence peut suppléer à son intensité, et non sans avantage. Maintenue à l’état liquide par la même force d’écrasement qui la surchauffait et saturée de principes alcalins, l’eau contenue dans les poches ou les fissures a dû acquérir un pouvoir dissolvant considérable, et, par suite, son rôle, lorsque ces gigantesques évolutions ont pris place, a été des plus essentiels. Le minéralogiste qui, pour réaliser la synthèse du quartz, chauffe de l’eau pendant plusieurs semaines, dans des tubes de verre scellés, ne fait qu’imiter en très petit l’œuvre de la nature[1].

Il n’est pas absurde de supposer que, dans le voisinage de certains plis de l’écorce, l’extrême énergie de la force d’écrasement ait pu déterminer la fusion des roches ; les matériaux brûlans se sont ouverts un chemin vers l’extérieur, et une bouche ignivome a pris naissance. Cette théorie, qui satisfait pleinement M. Mallet, mais aussi M. Mohr, pour ne citer que des chefs d’école, n’a cependant pas été approuvée par tous les sectateurs de la croûte épaisse. Suivant Hopkins, la partie solide de la terre renferme des ampoules remplies de laves liquéfiées et constituant autant de centres d’activité volcanique. Ces poches sont dues à la force d’expansion des gaz ou vapeurs dégagés pendant les âges primitifs par le globe encore liquide, mais déjà partiellement refroidi ; l’homogénéité de l’enveloppe fut altérée dès le principe, car aux emplacemens où l’élasticité des vapeurs ne réussit pas à vaincre la résistance de la pellicule, il se forma un alvéole au sein duquel le progrès ultérieur de la concrétion s’est trouvé bien moins rapide que dans les couches non déformées. Quelques-uns de ces alvéoles doivent être fort vastes ; on peut aussi les supposer groupés ou ramifiés, ou même imaginer que partie d’entre eux communiquent avec le noyau intime de la planète, lequel est demeuré fluide. Sir William Thomson ne semble pas fort éloigné de partager la même croyance ; il affirme que la structure interne du globe rappelle un peu celle d’un « gâteau de miel. » Toutefois, nous ne pouvons oublier que l’indiscutable harmonie qui règne entre les directions des rangées de cratères et celle des axes d’élévation n’est guère favorable à l’hypothèse d’Hopkins ; si sa théorie était rigoureusement exacte, les volcans sembleraient distribués au hasard sur les continens. Cette objection n’est pas la seule ; on conçoit très bien qu’un volcan s’éteigne s’il a épuisé la provision de lave ou de calorique dont son réservoir dispose, mais on ne comprend pas comment et pourquoi ce même volcan reprendrait son activité première, et, par malheur,

  1. Voir, dans la collection de la Revue (année 1833), un article d’Ampère dans lequel le grand physicien attribue à l’eau, et non au feu, la production des silicates anhydres comme le pyroxène.