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à beaucoup près, avec les poids spécifiques énormes qu’entraînerait une puissante compression, et l’insuffisance de ces valeurs ressortirait bien davantage si l’on voulait, comme plusieurs auteurs le font, reléguer dans les parties les plus reculées les métaux précieux qui, pour être lourds, n’ont pas besoin d’être comprimés[1].

Les défenseurs de la solidité interne de notre sphère ont beau jeu pour déclarer qu’au contraire rien n’est plus naturel que de supposer des rochers formant voûte et se soutenant mutuellement, en dépit de la poussée des matériaux supérieurs et de l’attraction de la pesanteur. Dès lors, qu’on se trouve loin ou près de la surface, les circonstances restent à peu près semblables.

Toutefois, l’objection précitée ne saurait avoir grande valeur. Elle frise un peu le cercle vicieux, et suppose que des substances soumises à des conditions dont nous n’avons aucune idée se comportent comme les matières usuelles dans nos expériences de cabinet. A l’heure actuelle, peu de savans tiennent pour un liquide parfait remplissant exclusivement la coque ; il faut nécessairement admettre un fort degré de viscosité, ce qui ramène dans le champ de l’incertitude. En revanche, on aurait tort d’invoquer l’influence des millions de degrés qu’on attribuait jadis fort libéralement au centre de la terre ; nul ne croit plus à des températures pareilles, qui seraient capables cent fois de disloquer notre pauvre machine ronde. Demandons-nous plutôt s’il est bien prouvé que la compressibilité d’un corps à peu près liquide soit indéfinie, et si, une fois parvenues à un certain degré de rapprochement, les molécules continueront d’obéir à la force agissante. Autant que nous l’apprennent les notions encore vagues de la mécanique, il est au contraire probable que les influences répulsives augmentent rapidement à mesure que les particules se rapprochent.

Longtemps on a cru que le point de fusion des corps solides en général et celui de la glace en particulier ne dépendait point de la pression subie pendant la fusion. Rigoureusement parlant, cette indépendance n’existe pas. La théorie, d’accord avec l’observation, nous apprend qu’un accroissement de pression tend à maintenir

  1. Des calculs, dont nul ne conteste l’exactitude, nous démontrent l’énormité de la force d’attraction qui règne à la surface du soleil ; les observations télescopiques établissent surabondamment l’existence d’une immense atmosphère flottant autour de l’astre, et dans laquelle l’analyse spectrale décèle de nombreuses matières métalliques ; enfin, d’après les raisonnemens les moins hypothétiques, la température solaire n’excéderait pas 2,000 ou 3.000°. Commentée fait-il alors que la densité moyenne de ce foyer de chaleur soit si faible ? On pourrait signaler une anomalie assez semblable concernant la planète Jupiter. Néanmoins, il ne faut pas trop attacher d’importance à ces contradictions apparentes entre des faits bien établis isolément. Notre connaissance des lois naturelles est encore trop imparfaite.