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deux élémens : le flux de chaleur qui se propage du centre à la circonférence et l’influence frigorifique de la surface extérieure libre, le raisonnement établit que, dans le cas où cette dernière action se complique, il en est de même de la loi de distribution. Si, aux alentours mêmes de la fosse, le terrain est sensiblement plat, le froid pénétrera seulement par l’axe de la percée ; mais si l’on réalise un forage au sommet d’une élévation irrégulière et escarpée, comme certaines aiguilles alpestres, l’invasion, favorisée par la forme tourmentée du profil, peut se propager à travers les flancs jusqu’aux parois. Il faut alors faire intervenir un nouveau facteur : le plus court chemin vers l’atmosphère. On se dira peut-être que notre réflexion est plus curieuse qu’utile, que jamais mine ou puits n’a été organisé dans des conditions aussi absurdes, et l’on aura bien raison. Mais, à défaut de trouées verticales, l’homme s’est vu obligé de pratiquer de vastes galeries se maintenant à niveau, comme les grands tunnels des Alpes et d’autres souterrains dépourvus de bouches d’aérage. Au centre des longs boyaux du Mont-Cenis et du Saint-Gothard règne perpétuellement une température de 30 à 31° ; nous voulons parler de la voûte, car l’air ambiant est plus chaud encore, surtout au Saint-Gothard. Combinée avec l’humidité, cette même température devient malsaine à la longue pour les ouvriers, et il n’est pas impossible que cet obstacle arrête un jour l’exécution de certains forages. Si l’ingénieur veut procéder à son œuvre avec sécurité, il fera bien de préférer les cimes abruptes, dont les parties supérieures, glacées par les neiges éternelles, n’ont aucune influence sur les bases qu’elles dominent, aux massifs moins élevés qui s’étalent en pentes douces.

Un grand nombre de savans étrangers, et presque tous les géologues ou astronomes français, MM. Faye, Daubrée et Lapparent entre autres, tout en reconnaissant les singularités qui défigurent la loi naturelle exposée ci-dessus, sont d’avis que, si nous pouvions pénétrer plus avant dans la croûte du globe, nous verrions peu à peu l’harmonie se faire jour, l’uniformité remplacer la confusion, et, à partir d’un niveau suffisamment profond, tous les points situés à égale distance du centre du globe et distribués sur une sphère de rayon donné posséderaient la même température. Celle-ci croissant toujours, le degré de l’eau bouillante serait atteint, puis dépassé ; les roches les plus réfractaires se ramolliraient d’abord, puis finalement deviendraient parfaitement fluides. Sauf un mince pellicule de 30 kilomètres d’épaisseur, la terre ne serait qu’un immense bloc de silicates liquéfies.

Les adversaires de la doctrine du feu central sont pour la plupart des étrangers. « Les observations scientifiques ne manquent pas,