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sur ce que l’intérieur du monde peut renfermer. La croûte superficielle par nous explorée est réellement fort peu de chose si on la compare à l’immensité des profondeurs inconnues ; on peut en faire abstraction et la considérer comme négligeable. Le poids spécifique moyen de toute la terre se confond approximativement avec celui d’un noyau intérieur dont la surface passerait à quelques kilomètres au-dessous du niveau des mers. Or jamais l’homme n’a même songé à pousser aussi loin, abstraction faite des sondages hydrographiques. La densité d’une matière étant fixée, il semble que la nature de cette substance est déterminée grâce à la connaissance de ce caractère spécifique presque invariable ; tout au plus le choix paraît-il restreint à un petit nombre de corps. Malheureusement, le chiffre découvert ne saurait se rapporter qu’à une moyenne affectant l’ensemble de l’énorme masse, ce qui amoindrit a priori son utilité, si l’on est forcé d’admettre pour cette même masse une constitution disparate.

Nous ignorons sur quelles raisons s’appuyait Newton lorsqu’il assignait au poids spécifique de la terre une valeur de 5.50, qui est, comme nous le verrons, l’expression exacte de la vérité ; mais assurément la coïncidence est d’autant plus surprenante qu’il ne fit aucune recherche expérimentale pour justifier son pressentiment. Ce ne fut que dans les dernières années du XVIIIe siècle que Cavendish imagina un instrument des plus ingénieux, dans lequel il mit à profit l’élasticité de torsion des fils métalliques très fins. En France, peu d’années auparavant, Coulomb, officier du génie, réussissant à formuler les lois des attractions et répulsions électriques, venait de montrer quel merveilleux parti les physiciens pouvaient tirer de ces mêmes propriétés. Nous ne pouvons guère qu’indiquer ici le principe de l’expérience. On pèse deux petites sphères en cuivre, égales en toutes choses, ce qui revient à mesurer l’attraction de la terre sur ces boules. Ces petites sphères sont ensuite disposées aux deux bouts d’un levier horizontal en sapin, suspendu lui-même par son milieu à un fil métallique. Au moyen d’un mécanisme, on approche deux énormes blocs de plomb, qui jouent par rapport au cuivre le rôle de masses attirantes et dévient le levier en tordant le fil. L’angle de torsion une fois déterminé, il est aisé d’estimer la force qui a été mise en jeu et de la comparer au poids des sphères en cuivre. Le rapport de ces deux nombres donne celui des masses agissantes, qui sont d’abord la terre entière et ensuite les globes de plomb. Finalement, on trouve combien il faudrait accumuler de masses semblables pour balancer le poids de notre planète. Quand on passa du poids à la densité, les résultats dus à Cavendish se traduisirent par le nombre 5.48.