Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

banques provinciales, qui jouissent du droit d’émission avec responsabilité illimitée, et peuvent prêter à meilleur marché que les autres, puisqu’elles touchent l’intérêt sur une circulation fiduciaire triple de l’encaisse. Elles escomptent non-seulement les effets de commerce, mais beaucoup de billets souscrits par des non-commerçans et qu’on appelle alors promissory-notes. Point de petite ville équivalente à un de nos chefs-lieux de canton qui ne soit dotée d’une succursale au moins où les cultivateurs déposent leurs fonds en compte courant et empruntent à court terme. D’ordinaire, elles ne reçoivent que le papier-court, n’ayant que quatre-vingt-dix jours à courir, mais elles accordent quelquefois un nouveau délai de trois mois ; le taux d’intérêt est habituellement de 5 pour 100. Le système des banques d’Ecosse repose sur la liberté absolue d’émission de billets payables à vue au porteur ; ce billet, instrument très commode, rend les plus grands services, mais il est fort dangereux pour ces banques, qui se trouvent à la merci des événemens ; quelques-unes ont éprouvé des vicissitudes, des faillites désastreuses. Cependant elles demeurent profondément enracinées dans les habitudes nationales, et se mettent si bien à la portée des cultivateurs que les jours de foires et de marchés, on voit leurs agens transporter leurs bureaux sur la place publique, et là recevoir les déclarations des cliens, dont les ventes et les achats se soldent à l’instant par de simples viremens de fonds.

La Russie a une caisse spéciale, nommée capital d’approvisionnement, fondée par l’état, destinée à venir en aide aux paysans nécessiteux ; le Danemark nous présente des sociétés de crédit agricole ; la Suisse des sociétés de crédit mutuel ; l’Irlande possède des sociétés de prêt qui font du crédit personnel, la Roumanie a depuis cinq ans une loi qui institue dans chaque district des caisses de crédit agricole avec un capital de 150,000 à 300,000 francs, avancé deux tiers par l’état, un tiers par le district. Ces caisses font des escomptes, des prêts sur gage agricole, des avances sur titres, et reçoivent des dépôts en compte courant ; elles prêtent à 7 pour 100, pour une durée de neuf mois au maximum, sur billets à ordre garantis solidairement par deux agriculteurs solvables ; elles ont à leur disposition le nantissement sans tradition, les moyens d’exécution commerciaux, la justice consulaire, et fonctionnent à merveille. Seuls à peu près, nous n’avons rien.


V

En sera-t-il toujours de même ? Continuerons-nous, spectateurs, à nous croiser les bras, tandis que les autres s’agitent autour de nous, contre nous, ou bien à discuter indéfiniment dans le vide, comme