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Schulze-Delitsch, mais extrêmement indépendantes et constituées en syndicats spéciaux. Un certain nombre font l’achat de semences, d’engrais, de bestiaux ; leur but se confond alors avec les sociétés coopératives d’achat en commun, assez nombreuses en Allemagne.

Un spectacle non moins curieux nous attend en Italie, où, depuis vingt ans, un économiste distingué, M. Luzzati, a fondé des banques populaires de crédit mutuel qui rendent de signalés services aux petits agriculteurs. Instituée en 1865 avec un capital de 27,000 francs, la banque populaire de Milan avait, en 1883, 7,891,000 francs, un fonds de réserve de 3,314,000 francs, 17 millions de dépôts en comptes courans, 34 millions déposés à la caisse d’épargne ; elle réalisait 1,231,000 francs de bénéfices en 1882. Son administration est toute de dévoûment : députés, sénateurs, anciens ministres, les citoyens les plus éminens, sans distinction d’opinion, y prennent part avec un zèle admirable qui ne s’est jamais démenti. « Là comme partout, il ne suffit pas d’avoir une bonne machine, il faut un bon mécanicien[1]. » Pour cliens, des commerçans, des industriels, des cultivateurs ; elle correspond avec toutes les banques populaires de la Haute-Italie, et, comprenant que le travail et la probité sont le capital des pauvres gens, cherche à instituer le crédit personnel en leur faveur, au moyen de prêts sur parole ou prêts d’honneur. Ces prêts sont absolument gratuits, mais l’emprunteur doit en indiquer l’emploi et se présenter sous le patronage de deux personnes qui, sans répondre de lui pécuniairement, certifient qu’il saura satisfaire à ses engagemens. « Le crédit sur gage, écrit à ce propos M. Léon Say, n’a jamais été que l’enfance du crédit. Le crédit public n’existait pas, quand les rois empruntaient sur leurs reliques ou sur leurs bijoux ; il n’a été véritablement fondé que lorsqu’il est devenu en quelque sorte personnel, que lorsque l’état a pu trouver des capitaux sur la confiance qu’il inspirait, et lorsque les créanciers de la nation ont eu pour gage général les revenus publics sans affectation spéciale. Le crédit commercial a passé par les mêmes phases. Le crédit agricole est encore dans l’enfance, justement parce qu’il n’est pas personnel ; il n’existe que quand il est le crédit tout court et sans phrases. »

Au-dessous de la banque populaire, reliée à elle par le même esprit, par des statuts à peu près semblables, voici la Banque agricole milanaise avec ses succursales qui rayonnent dans les cantons. Partout d’ailleurs, dans cette province comme dans les autres, ces institutions grandissent, se développent à vue d’œil ; le moins d’entraves possibles, peu de formalités, une décentralisation économique très

  1. Voir l’excellente brochure de M. Léon Say, Dix jours dans la Haute-Italie.