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échantillons, sert d’intermédiaire désintéressé pour les rentes à l’amiable, aux enchères ou par adjudication ; la troisième englobe tous les services qui ne constituent ni une vente ni un achat : cours des foires et marchés, agences de publicité, constructions rurales, installation d’industries agricoles, drainages, irrigations, travaux d’art, plantations, arpentages, expertises, locations de fermes, arbitrages, assurances, bureau de détaxe, offres et demandes de travail, etc. Ici la cotisation varie de 20 à 4 francs. Le syndicat central organise une mutualité véritable de renseignemens et de services ; il justifie dans une certaine mesure le mot de Proudhon : « Le XXe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans ; le vrai problème politique n’est pas en réalité le problème politique, c’est le problème économique. » En s’unissant à lui, les syndicats multiplient leur puissance d’action, ils accroissent leurs forces sans abdiquer leur indépendance. Il aura un journal hebdomadaire, et il espère faciliter aux produits agricoles l’accès des adjudications de l’état. Déjà il a obtenu de certains fabricans de machines des rabais de 30 à 50 pour 100 ; des commissionnaires attitrés opèrent par ses ordres au marché de La Villette, et dispensent l’éleveur de surveiller lui-même la vente de ses bestiaux. On ne déclare la guerre à personne ; quand un consommateur s’aperçoit qu’il paie trop cher le vin à la bouteille, et quand il l’achète moins cher et meilleur à la pièce, il ne déclare nullement la guerre au détaillant. Et il n’y a pas un grain d’utopie en tout ceci. Les don Quichottes de la révolution sociale n’auront sans doute que mépris et moquerie pour ce programme terre à terre ; mais l’agriculture vit de bonne soupe et non de beau langage : comme Sancho Pança, elle est amoureuse du solide, se garde bien de rompre des lances contre les moulins à vent et fait fi des romans communistes ; elle ne se met pas en guerre contre la propriété, — elle sait qu’on ne trompe pas la terre, — et préfère la politique d’un tiens à la politique de deux tu auras.

Les circulaires ministérielles ressemblent à certains traités diplomatiques : il faut souvent lire ce qui n’est pas écrit pour les comprendre et leur appliquer une foule de sous-entendus. Le gouvernement prescrivait, en 1884, à ses préfets de témoigner le plus grand intérêt aux syndicats, de leur servir de conseillers, de collaborateurs dévoués. En parlant ainsi, il ne prévoyait guère quel parti l’agriculture tirerait de cette loi faite pour les ouvriers, et lorsqu’il a pu s’en rendre compte, il a paru éprouver un sentiment assez voisin de la mauvaise humeur, et cette mauvaise humeur se traduit par une conduite qui permet de se demander s’il n’a pas deux poids et deux mesures, s’il ne regrette point les concessions octroyées. Tandis que les syndicats ouvriers jouissent de la liberté la plus