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son attention sur les semences ; car, observe son président, l’influence seule des graines fait varier du simple au double le rendement des récoltes, et leur analyse n’a pas moins d’importance que celle des engrais pour apprécier leurs facultés. Le syndicat des Ardennes, qui déjà compte plus de 1,650 adhérens, a marché d’un pas encore plus rapide : en 1885, il achetait 1,607,000 kilogrammes d’engrais ou autres matières premières. Celui de la Loire-Inférieure, qui a 600 membres, a acheté 818,000 kilogrammes d’engrais chimiques et 120,000 kilogrammes de semences ; il évalue à 25 ou 30 pour 100 les réductions obtenues[1]. Le syndicat de Valençay livre à ses membres, avec toute garantie, des phospho-guanos dosant 3 pour 100 d’azote et 11 pour 100 d’acide phosphorique, au prix de 13 fr. 35 les 100 kilogrammes, soit une réduction de moitié sur les prix du commerce honnête.

Par le seul fait de leur intervention, les syndicats suppriment pour leurs adhérens les commis-voyageurs en engrais, cette plaie de l’agriculture. Par le syndicat isolé, le cultivateur achète au prix du demi-gros, par l’union des syndicats, il obtient le prix du gros.

La variété dans les besoins entraîne la variété dans les règles. Le syndicat de la Marne a organisé des caisses de secours contre la grêle et la mortalité du bétail ; et, malgré les embarras qu’on lui a suscités, il a, en 1885, recueilli 45,000 francs de cotisations. Certaines associations ont prévu diverses classes de sociétaires : membres fondateurs, membres ordinaires, dont la cotisation varie avec le titre. Le syndicat du Rhône s’est organisé pour lutter contre le phylloxéra, qui, petit à petit, ronge ses riches vignobles. On préconise comme remède le sulfure de carbone, mais sa cherté le rend peu abordable ; l’association obtiendra une réduction qui le mettra à la portée des bourses modestes. Afin de restaurer la réputation commerciale des vins et huiles de leur région, de rapprocher le producteur du consommateur, vingt propriétaires, réunissant 689 hectares de vignes et 3,406 hectares d’oliviers, ont fondé le Syndicat vauclusien des vins et huiles des côtes du Rhône, qui a remporté des récompenses à l’exposition d’Anvers et noué de fructueuses relations. Quant au syndicat viticole de Vertus (Marne), il cherche à se défendre contre la coalition des grandes maisons de commerce de Champagne, qui, profitant de ce que les producteurs vignerons n’ont en général ni celliers ni pressoirs, les obligent à subir leur tarif d’achat au moment des vendanges.

Dans l’arrondissement de Poligny (Jura), un homme distingué autant que modeste, M. Milcent, secondé par de nombreux amis, a institué un syndicat familial qui, malgré la rigueur des statuts,

  1. Voir le rapport de M. Senart à la Société des agriculteurs de France (1886).