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relations nouvelles avec l’Allemagne, avec le vieil empereur Guillaume, qui lui prodiguait, ces jours derniers encore, les témoignages d’une cordiale sympathie. C’est assurément une situation délicate pour l’Italie, qui invoque, elle aussi, ses non possumus, mais qui ne serait pas sans doute éloignée de se prêter à un certain ordre de transactions par des raisons intérieures comme par des considérations diplomatiques.

Que malgré tout on ne soit pas près de s’entendre, que les négociations, s’il y a des négociations, soient destinées à passer par bien des péripéties, c’est tout ce qu’il y a de plus vraisemblable ; mais c’est déjà une chose caractéristique qu’on en soit là, que de telles questions s’agitent. Le dernier président du conseil, qui avait vu ces questions renaître, était homme à les traiter avec son esprit pratique, sans illusion et sans parti-pris, sans rien livrer, sans rien précipiter. Il avait l’expérience des affaires compliquées, et c’est justement tout cela qui fait que le vieux Piémontais, mort il y a quelques jours dans sa modeste maison de Stradella, laisse un vide en Italie.

Ce n’est ni un chef de cabinet ni même un fonctionnaire qui vient de s’éteindre à Moscou après une longue et laborieuse carrière. M. Katkof, qui vient de disparaître à l’âge de soixante-sept ans, et dont la mort a retenti en Europe aussi bien qu’en Russie, n’avait aucun titre officiel ; il n’était qu’un journaliste, un serviteur libre et indépendant de son pays ; et il n’était pas moins arrivé à concentrer, à représenter l’esprit, les passions, les ambitions, les fanatismes de la nation russe, à avoir même une influence quelquefois décisive sur la politique d’un des plus puissans états du monde. Il le devait à de rares talens personnels Bans doute, mais en même temps à un ensemble de circonstances tel qu’il n’a pu Be produire que dans la Russie contemporaine. L’originalité du publiciste russe est sortie, avec ses traits vigoureux et accentués, de ce vaste et confus laboratoire ouvert au Nord depuis la mort de l’empereur Nicolas. Né à Moscou d’une famille modeste, élevé en Allemagne, d’où il était revenu nourri de fortes et substantielles études, M. Katkof avait commencé sa carrière d’écrivain dès les premières années du règne d’Alexandre II, à ce moment où une littérature nouvelle se formait, où un étrange mouvement se manifestait en Russie : M. Katkof n’avait pas eu d’abord les opinions qui ont fait depuis sa popularité ; c’était plutôt un libéral avec quelques-unes des idées de la philosophie allemande et les idées anglaises qu’il exposait avec un éclat grandissant. C’est la tragique et malheureuse insurrection polonaise de 1863 qui devenait pour l’écrivain, pour son talent, comme une révélation, qui allumait en lui une flamme de passion nationale poussée jusqu’au fanatisme le plus impitoyable. Dans la croisade contre la Pologne insurgée, c’était l’écrivain qui, avec la Gazette de Moscou, soutenait et excitait le gouvernement, qui animait et dirigeait la