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contient la doctrine en peu de mots : « Ordonnons que tous les cochers du cirque et les comédiens soient séparés de la communion tant qu’ils exercent ce métier. »

Et voilà pourquoi, le 21 décembre 1789, Rœderer dut prendre la parole ; pourquoi le concile de Soissons, en 1849, dut déclarer, contrairement à une Encyclopédie théologique publiée en 1847 : « Quant aux comédiens et aux acteurs, nous ne les mettons pas au nombre des infâmes ni des excommuniés. » — Parce que le préteur, au temps de la république romaine, avait noté d’infamie des gens de condition servile, et parce que deux réunions d’évêques, en 305 et 314 après Jésus-Christ, avaient excommunié des suppôts du paganisme, des bateleurs indécens, Lekain n’était pas admis à témoigner en justice, et le curé de Saint-Roch refusa ses prières à l’âme de Mlle Raucourt.

M. Maugras a reconnu ces causes de l’infamie civile et de l’infamie canonique des acteurs ; il a désigné ces deux sources ; il a suivi jusqu’à l’ère moderne le cours de ce double préjugé en France, tantôt caché, tantôt à ciel ouvert.

D’abord l’art théâtral se repique en bonne terre religieuse, aussi naïvement que s’il fleurissait pour la première fois : trois chanoines, le jour de Pâques, la tête voilée de leur aumusse, figurent les trois saintes femmes ; peu à peu, dans les monastères, dans les cathédrales, sont célébrés de véritables drames ecclésiastiques ; le jeu des mystères, comme jadis en Grèce, gagne le parvis, puis s’éloigne du temple. Les Confrères de la Passion en viennent à jouer pour leur compte ; ils commencent encore par cette annonce : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous allons représenter devant vous,.. » et ils terminent par ce couplet : Te Deum laudamus ; .. avant ou après plus d’un « miracle, » on donne un sermon, qui est le principal, comme plus tard, en certaines matinées, avant une œuvre classique, on donnera une conférence, qui sera l’accessoire ; mais le théâtre, en somme, est devenu laïque. Aussi l’Église, en ayant perdu le patronage, lui retire sa faveur. N’est-elle pas l’Église de France, qui, pour se défendre contre les empiétemens des papes et leurs nouveautés en matière de discipline, déclare immuable l’ancien droit, tel qu’il a été établi par « la pratique et la théorie des huit premiers siècles ? » Or les conciles d’Elvire et d’Arles sont du quatrième. Ce n’est plus seulement les jongleurs et les farceurs nomades, c’est au moins certaines bouffonneries usurpées sur le clergé, renouvelées de la fête des Fous et de l’Ane, c’est aussi les rapports des clercs avec les comédiens qu’il faut sévèrement proscrire, tandis que, par-delà les Alpes, une comédie licencieuse d’un cardinal (Bibbiena) est applaudie par un pape (Léon X). Survient d’autre part la réforme pour interdire les « momeries » et même « le Roy boit » et le Mardi gras, comme occasions de perte de temps ; les a tragédies, comédies, farces et moralités,.. comme