tabou ne pouvaient être franchies ni envahies. Étant donnés les instincts belliqueux de ces deux races, les causes si fréquentes et si futiles de conflit entre les tribus, le tabou avait pour elles toute la valeur d’une sorte de droit d’asile. Il permettait de mettre à l’abri des combattans les femmes et enfans renfermés dans les enceintes sacrées ; il prévenait d’effroyables massacres et des destructions irréparables.
Envahi, le Maori résista ; attaqué, il se défendit, et avec succès. Il y a gagné de prolonger son existence, mais le terme même en est marqué d’avance. L’Angleterre n’a que faire de se hâter. La dépopulation est fatale, constante, régulière. Dans peu d’années, le dernier des Maoris aura disparu, sans lutte. Chaque année, l’excédent des morts sur les naissances est d’un millier ; la civilisation tue aussi sûrement par le contact de ses vices et des besoins qu’elle crée que par ses puissans moyens de destruction.
Leurs envahisseurs rendent hommage aux qualités qui distinguent ces indigènes. Assurés de les voir disparaître, ils se donnent le luxe d’être équitables dans leurs appréciations. « Le Maori, déclare M. J. Crawford, dans son intéressant ouvrage sur la Nouvelle-Zélande et l’Australie, le Maori est à beaucoup d’égards plus intelligent que la moyenne des Européens. Il ignore forcément ce qu’enseignent les livres, il n’a pas de notions philosophiques, mais il n’existe pas un arbre, un arbuste, une plante dans son pays dont il ne sache et ne vous dise le nom, les propriétés et l’usage, pas une rivière, pas un cours d’eau, pas un lac qu’il ne connaisse et ne désigne. Industrieux, ingénieux, fertile en ressources, il excelle dans l’art de la chasse et de la pêche et pourvoit largement à son alimentation là où le blanc mourrait de faim. Nul mieux que lui ne s’entend à construire rapidement un abri, à improviser un canot ou un radeau pour franchir une rivière ou un lac… Le Maori est remarquable par la dignité naturelle de ses manières et son excellent caractère ; il est à la fois courtois et fin observateur, doué de beaucoup de bon sens et fort capable de donner des conseils judicieux et pratiques. Il est intelligent et bon cultivateur, très courageux et tenace de ses droits, respectueux de ceux de son voisin. Il ne maltraite jamais sa femme ; pour ses enfans, il est d’une indulgence excessive ; on ne saurait lui reprocher que de les trop gâter. »
L’auteur, on le voit, se montre bienveillant, mais il a longtemps vécu à la Nouvelle-Zélande ; il y a perdu ce fonds de mépris que professe la race anglaise pour les races de couleur et qu’elle dissimule mal sous des apparences philanthropiques, cette antipathie sourde de colons exclusivement commerçans contre des populations essentiellement agricoles. Ce que les premiers émigrans anglais ont été