main-d’œuvre et des objets de première nécessité, on en est assez promptement revenu à un niveau que la production agricole ne permettait pas de dépasser. Les hausses fantastiques dont on fut témoin à San-Francisco, de 1848 à 1855, n’étaient pas possibles dans un pays où le sol produisait bien au-delà de ce que la population pouvait consommer. La spéculation n’avait pas de raison d’être et forcément se limitait aux actions minières, sans pouvoir provoquer ces accaparemens de vivres qui, en Californie, enrichirent un certain nombre de spéculateurs au détriment des mineurs.
Cette découverte de l’or provoqua toutefois un afflux considérable d’émigrans européens, mais ils se recrutèrent principalement parmi la population de la Grande-Bretagne. La Californie avait déjà, peu d’années auparavant, détourné à son profit tout ce que l’Europe et le Nouveau-Monde comptaient d’esprits aventureux, impatiens de fortune. Cette terre nouvelle, alors inconnue, sans gouvernement et sans lois, offrait à toutes les ambitions un champ plus vaste et plus séduisant qu’une colonie anglaise au sein de l’Océanie. Néanmoins, Melbourne et Sydney virent tripler le nombre de leurs habitans, Ballarat et Sandhurst surgirent dans les districts miniers. De cette époque aussi date l’introduction en Australie d’un facteur nouveau, l’apparition de la race chinoise. Cet immense empire de 300 millions d’habitans, dont l’Europe forçait les portes à coups de canon, laissait échapper par ces brèches le surplus d’une population famélique. Elle étouffait derrière ces barrières que la politique asiatique avait élevées entre l’empire du Milieu et le reste du monde.
Elle se rua sur la Californie, comme elle devait le faire quelques années plus tard sur l’Australie, le Pérou, le Chili, poussant toujours plus avant ses flots d’émigrans humbles, patiens, travailleurs, économes, vivant de rien, commerçans dans l’âme, trouvant à récolter là où le blanc ne peut même plus glaner, race prolifique par excellence, envahissante comme la fourmi, industrieuse comme elle. Nous l’avons vue et montrée à l’œuvre en Californie, aux États-Unis ; nous la retrouvons ici, toujours la même, réfractaire à toutes les influences de climat et de milieu qui agissent si puissamment sur les autres races. Ici aussi elle s’est rendue indispensable, accaparant tous les petits métiers, même les plus rebutans, ceux dont l’Européen ne veut pas, sentant qu’il déchoit à les exercer. Les Chinois en vivent ; mieux encore, ils entassent piastre sur piastre, jusqu’au jour où, donnant l’essor à leur ambition longtemps comprimée, ils peuvent se livrer au commerce, acheter et revendre, grossir leur capital. N’était l’opium, ils conquerraient le monde par la puissance de l’épargne, de l’économie sordide, de l’absence complète de scrupules et d’amour-propre.