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knock down un chèque, démolir un chèque ; ils vont chez l’aubergiste le plus voisin, lui remettent leur chèque, et ne dégrisent plus jusqu’à extinction du montant. »

Ces grandes exploitations ont presque toutes débuté modestement. Quelques milliers de francs suffisent à l’émigrant pour se procurer les animaux qui, en peu d’années, lui donneront un troupeau considérable, et pour louer à l’état, au prix modique de 25 à 30 francs le kilomètre carré, le terrain nécessaire pour le pâturage. Le plus souvent, le colon débute par s’engager à prix modique sur une station déjà en pleine exploitation. Une année lui suffit pour se mettre au courant, et, fort de l’expérience acquise, il achète à son tour un certain nombre d’animaux, les amène sur son terrain et commence, avec un ou deux aides, à se livrer pour son compte à l’élevage. Les exemples de fortunes rapidement acquises sont nombreux en Australie ; ils expliquent les chiffres énormes de grosses et menues têtes de bétail que possède la colonie, chiffres qui sont hors de toute proportion avec celui de la population.

Les États-Unis, avec 50 millions d’habitans, ne possèdent, si riches qu’ils soient, que 35 millions de moutons, un peu moins de la moitié de ce qu’en nourrit l’Australie. Ils ont 36 millions de têtes de gros bétail ; proportion gardée, ils devraient en avoir 133 millions pour égaler la production australienne. A mesure que les procédés de conservation de la viande s’amélioreront et se perfectionneront, l’importance de l’Australie grandira avec les débouchés assurés à ses produits. De même que les États-Unis tendent à devenir les grands pourvoyeurs de blé de l’Europe, l’Australie l’approvisionnera de viande comme elle le fait déjà de laines.

Étant données les conditions particulières que nous venons d’indiquer, on comprendra que, contrairement à ce qui se passe dans les pays nouveaux, le prix de la vie matérielle est très réduit en Australie ; cette considération importante détermine beaucoup d’émigrans à venir s’y établir. Moyennant 0 fr. 60 à 0 fr. 75, l’ouvrier se procure, même dans les grandes villes, un repas copieux de soupe, viande, légumes, beurre et thé, le tout de bonne qualité. Les objets importés coûtent, il est vrai, plus cher qu’en Europe, mais pour le colon des stations, pour l’ouvrier des villes, pour les gens de condition inférieure, la consommation de ces objets est restreinte, et la différence de prix, assez modique après tout, est compensée, et au-delà, par des salaires plus élevés.

La découverte des mines d’or en 1851 n’a pas produit en Australie et en Angleterre la même perturbation que celle des mines de la Californie aux États-Unis et en Europe. On s’y est vite remis de l’émotion produite, et après une forte hausse des prix de la