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pour la France un puissant moyen de propagande qui devait, dans un temps donné, accroître son influence dans l’Océanie.

Comme toutes les races belliqueuses, la race canaque est fière, sensible aux bons procédés, irritable et violente par accès. Elle reconnaît la supériorité du blanc, elle n’éprouve à son égard aucun des sentimens de haine et de dédain que la race chinoise dissimule sous sa stricte observance des rites et sa servilité asiatique. Ses qualités, comme ses défauts, la rendent facilement accessible à l’influence de l’exemple et la prédisposent à l’imitation. Indolens là où le climat les y convie et le leur permet, les Canaques sont industrieux et travailleurs là où la nature l’exige, et l’on ne saurait porter sur eux un jugement définitif, si on ne les a vus qu’à Tahiti ou dans quelques îles privilégiées où, la terre produisant sans culture, l’homme récolte sans labeur. Dans certaines parties de l’Océanie du nord, ils ont dû suppléer par un travail opiniâtre à la stérilité d’un sol volcanique, détourner à grand’peine les cours d’eau pour fertiliser des plaines arides, convertir leurs récifs en bassins artificiels pour y conserver le poisson. Leurs travaux d’irrigation sont remarquables et dénotent une rare intelligence de l’art de l’ingénieur.

Ainsi que presque tous les peuples primitifs, les Canaques sont surtout imaginatifs. Ils ont le culte et le don de la parole. Leurs discours, éloquens et concis, rendent nettement leur pensée, et le plus habile dans l’art de bien dire est le plus influent parmi eux. Aussi, les chefs ont-ils su de tout temps s’attacher les orateurs de leur tribu et leur faire, soit comme conseillers, soit comme prêtres, une part dans le gouvernement. Quand, par suite des progrès de la civilisation, le pouvoir despotique des chefs et des prêtres s’est écroulé, les Canaques ont accepté sans résistance les divers essais de gouvernement parlementaire tentés sur plusieurs points et qui ont abouti, aux îles Sandwich, à l’organisation d’un gouvernement constitutionnel représenté par un souverain indigène, un cabinet responsable, une chambre des nobles héréditaire et une chambre élue par le peuple.

Les indigènes de la Nouvelle-Calédonie ont passé longtemps pour être plus réfractaires à la civilisation que leurs congénères de l’Océan-Pacifique. Aujourd’hui que l’Océanie est mieux connue, on peut constater que cette assertion est erronée. Chez ces races primitives, les instincts belliqueux sont en raison directe de la pauvreté du sol et de la difficulté de pourvoir à leur subsistance. Les Néo-Calédoniens sont, sous ce rapport, moins bien partagés que les naturels de Tahiti, des Marquises et des îles Sandwich, mais ils le