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pandanus, et, sur quelques points seulement, à l’île de la Chaîne, à Anoa, du taro, des patates et des bananiers. Ils se nourrissaient surtout de poissons. Guerriers redoutables, pillards effrontés, ils ont été longtemps la terreur des trafiquans. Aujourd’hui, soumis au protectorat de la France, la civilisation les envahit, tempère leurs instincts belliqueux, modifie leurs mœurs et leurs usages. Les négocians de Tahiti y ont établi des comptoirs ; ils achètent aux indigènes la nacre et les perles, que ces derniers, plongeurs habiles, vont pêcher dans les récifs, le copra, objet d’un commerce important aux Pomotou et aux Gambier, et le tripang, ou biche de mer, dont il se fait en Chine une consommation considérable ; la tonne s’y paie jusqu’à 8,000 francs. Ce produit, assez insipide, comme les nids d’hirondelles, dont Java expédie pour plus de 1 million chaque année à Shanghaï, est très recherché des sensuels habitans du Céleste-Empire à cause de ses propriétés excitantes.

A 150 lieues au nord des Pomotou, et plus rapprochées de la ligne, les îles Marquises dressent au-dessus de la mer leurs cônes volcaniques, qui atteignent plus de 1,000 mètres d’altitude. Elles sont au nombre de onze, et affectent toutes la même forme. Autour d’un pic central se groupent d’autres sommets séparés par des vallées étroites et difficilement accessibles par terre ; généralement arrosées par des cours d’eau, ces vallées, riches et fertiles, produisent en abondance le taro, la banane, la patate douce, le coton, tous les fruits des tropiques. Sur les hauteurs formant plateaux, errent, au milieu de pâturages abondans, de nombreux troupeaux de gros bétail.

Entre les habitans des Pomotou et ceux de Tahiti, nulle ressemblance, aucune analogie de race. Comme les Néo-Zélandaîs, ils appartiennent à la descendance maorie, dont ils possèdent les qualités et les défauts, dont ils ont conservé les usages et les traits caractéristiques. Tatoués sur toutes les parties de leur corps, ils portent sur eux, en hiéroglyphes incompréhensibles, leur généalogie et la chronique de leur famille. Plus le tatouage est compliqué, plus haut remonte la noblesse de leurs aïeux. Ainsi passés à l’état de documens historiques, les vieux chefs exhibent sur les parties les plus imprévues de leur individu les annales de toute une race. Ils en sont fiers et les étalent. A court de parchemin, tatoué jusque sous les aisselles et jusqu’à la nuque, un chef de la baie de Chikakoff avait fait graver sur sa langue quelque exploit qui n’avait pu trouver place ailleurs.

Un de leurs griefs sérieux contre la civilisation est incontestablement la nécessité à laquelle elle les astreint de voiler une partie de leur arbre généalogique. Aussi réduisent-ils leur vêtement aux