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En même temps, la commission du budget, par une mesure générale, repoussait toutes les augmentations demandées par les ministres, en leur déclarant et en répétant dans son rapport que ce refus avait pour but de les mettre en demeure de se conformer à l’article 41 de la loi de 1870. Quelle exécution a reçue cette nouvelle prescription de 1882 ? On en jugera par ce que M. Hervé-Mangon écrivait, en février 1884, dans un rapport sur les comptes des chemins de fer de l’état : « Des dépenses supplémentaires, disait le rapporteur, ont été engagées avant d’avoir obtenu les ressources nécessaires pour les acquitter. Les cadres et les traitemens du personnel ont été augmentés sans que les ressources nécessaires aient été sollicitées. On a attendu les derniers jours de l’année pour faire connaître à la chambre une situation facile à constater depuis longtemps, et que la plus simple prévoyance eût empêchée de devenir aussi grave. » M. Hervé-Mangon n’est pas le seul rapporteur qui se soit plaint du procédé irrégulier à l’aide duquel les ministres actuels imposent au parlement des augmentations de personnel. On commence par créer les emplois, on y pourvoit immédiatement et, quelques mois plus tard, on présente une demande de crédit supplémentaire en faisant valoir que les titulaires sont en fonction, qu’on n’a pas d’argent pour les payer, et qu’on ne peut attendre d’eux qu’ils servent l’état gratuitement. La chambre accorde le crédit, et l’on s’autorise de ce vote comme d’une approbation, pour inscrire au budget de l’exercice suivant les traitemens des nouveaux fonctionnaires. C’est ainsi, notamment, que les choses se sont passées pour les chaires récemment créées à l’École des Beaux-Arts et pour un certain nombre d’emplois dans les ministères des postes et de l’agriculture. La loi de 1882 est donc demeurée à l’état de lettre morte ; il y a bien en quelques ébauches de décrets, mais ce travail a été tel qu’on le devait attendre du conseil d’état actuel ; il a été dédaigneusement repoussé par les commissions du budget, qui l’ont qualifié avec une extrême sévérité. Les ministres disposent trop complètement du conseil d’état pour qu’on puisse compter sur une révision sérieuse de leurs propositions. Le parlement n’aurait qu’un moyen de sortir de l’impasse dans laquelle il semble enfermé : ce serait d’enjoindre aux ministres, par la loi de finances, de ramener immédiatement le personnel des administrations centrales dans les limites du budget de 1870. On obtiendrait ainsi des cadres au moins provisoires, qu’il serait facile de réviser ensuite pour les rendre définitifs.

Ce serait déjà un grand progrès que d’avoir des cadres ; mais il faudrait aussi, dans l’intérêt même du trésor public, améliorer la condition des fonctionnaires en leur accordant, ou plutôt en leur