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plaît et qui feraient croire que le souffle divin, dont fut animé le moule d’argile, s’est évaporé dès l’aurore de la création. Ces prières doivent être récitées en assemblée, c’est-à-dire par dix personnes au moins. C’est l’œuvre du repos éternel qui envoie, à ses frais, les pleureurs dont la fonction est de louer le défunt, de consoler les survivans et de prier avec eux. Pendant les jours d’Abel, tout travail est interdit ; donc nul gain ; le comité y supplée par ses aumônes.

La purification du corps se fait au cimetière même, dans un pavillon spécial dit la maison des purifications. Le cadavre placé sur une dalle, couvert d’un drap blanc, est lavé avec soin, puis aspergé d’une ablution comprenant environ neuf litres d’eau ; lorsqu’il a été essuyé, il est coiffé d’un ample bonnet de toile blanche, puis vêtu d’une chemise, d’un caleçon et d’une large robe blanche serrée aux reins par une corde. Le corps est alors déposé dans le cercueil, où le plus proche parent du défunt lui métaux pieds des chaussons de toile blanche : symbole et souvenir de l’Exode, alors que les pieds chaussés et la ceinture aux reins, debout, ils mangèrent l’agneau avant de quitter la terre de servitude et de faire la première étape de leur longue route vers la terre promise. C’est alors que les membres de la famille immédiate devraient déchirer leurs vêtemens, du côté droit s’ils pleurent leur père ou leur mère, du côté gauche s’ils n’ont qu’un collatéral à regretter. Cette cérémonie tout orientale n’est pas tombée en désuétude, mais elle a été simplifiée ; on se contente aujourd’hui d’un simulacre ; autrefois, au temps des royaumes d’Israël et de Juda, on lacérait les longs vêtemens que portaient les ancêtres ; aujourd’hui, on coupe l’angle du revers de l’habit. Lorsque le cercueil est fermé, il est descendu dans son sépulcre individuel, sans contact possible avec les bières voisines. Pour les riches qui possèdent des tombes, c’est fort bien ; mais pour les pauvres qui ne laissent même pas de quoi acquitter la taxe municipale et payer le transport à « la maison des vivans, » ce serait impossible, si le comité directeur de l’œuvre du repos éternel n’était propriétaire d’un certain nombre de concessions à perpétuité, ouvertes de dix-huit cases séparées les unes des autres, disposées à peu près comme les tiroirs d’une commode et qu’il livre gratuitement à son peuple indigent. Grâce à cette précaution inspirée par la foi, tout israélite pauvre peut mourir en paix, persuadé qu’il ne sera point mêlé à la tourbe des morts. Ce n’est pas sans peine que le judaïsme de Paris a obtenu l’autorisation de posséder, à deniers comptans, des concessions perpétuelles pour donner un asile suprême à ses coreligionnaires. Le conseil municipal fut saisi de la question le 31 mai 1879 ; on refusait aux sociétés-