Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conflit monétaire, la même excitation que les années précédentes. Dans son exposé annuel, le président Cleveland se contenta de renouveler, avec un accent un peu attristé, ce qu’il avait si bien dit dans son message de 1885.

En résumé, si le monnayage ordonné par le Bland-bill n’est pas enrayé, on aboutira forcément à une circulation ayant pour base au métal déprécié, ce qui placerait le commerce américain dans la position la plus défavorable au regard des autres pays. La frappe de l’argent exécutée depuis 1878, aux termes du Bland-bill, montait déjà, en 1885, à 1 milliard 82 millions de francs. Au 1er décembre 1886, elle avait fourni 1,334 millions. La baisse incessante du métal que l’état doit acheter pour cette fabrication procure au trésor un bénéfice considérable au détriment du public. La valeur intrinsèque du lingot représentait 98 cents par dollar au début de l’opération ; elle est tombée à 78. La trésorerie, affirme le président, a fait tout ce qui était honnêtement et légalement possible pour introduire l’argent dans la circulation : elle a remplacé les greenbacks de faible valeur par des certificats d’argent appropriés au service de la menue monnaie. Malgré tout, l’encombrement continue au trésor ; on réclame de nouvelles caves pour emmagasiner les dollars d’argent qu’on ne peut utiliser. De son côté, le directeur de la Monnaie, M. Kimball, constate que, dans l’exercice 1885, les États-Unis pour leur part ont encore versé, dans le courant des affaires, une valeur nominale de 279 millions de francs, qui ne valent plus même 200 millions au cours du jour.

À coup sûr, le danger dont s’effraie le président menace de plus près la puissance américaine, et cependant l’agitation dans le public est moins flagrante en ce moment ; la polémique dans les journaux, si ardente il y a deux ans, semble s’éteindre. Ce n’est pas, au fond, que les intérêts hostiles aient désarmé ; mais on vit dans une vague attente, dont chacun se promet une issue favorable ; de là une sorte de trêve. Depuis 1881, les bimétallistes des États-Unis avaient poursuivi l’idée de faire régler par un accord universel la valeur relative de l’or et de l’argent. Cette tentative chimérique, froidement accueillie dans la conférence de Paris, avait échoué surtout par l’abstention dédaigneuse de l’Angleterre ; mais dans les premiers mois de 1886, les doléances de la trésorerie indienne devenant de plus en plus pressantes, lord Randolph Churchill, parvenu au pouvoir, manda au vice-roi des Indes que la reine prenait en très sérieuse considération les embarras de ses sujets asiatiques, et qu’on allait aviser au relèvement du métal argent au moyen d’une entente internationale. Cette déclaration détermina de la part des bimétallistes un mouvement d’ensemble ; ils recrutèrent des comités