Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/608

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

particulières. La philosophie s’élève au-dessus. C’est une synthèse : elle est la science des généralités les plus hautes dans tous les ordres de sciences. Chaque science a des sommets où se trouve résumée, sous forme de principes, la science tout entière. La philosophie positive s’emparera de ces principes de toutes les sciences, les coordonnera, en établira la hiérarchie, la liaison, l’unité ; et, à ce titre, elle pourra encore s’appeler, comme l’ancienne métaphysique, la science des premiers principes.

La philosophie positive ne doit pas être confondue avec ce que l’on appelle, dans les écoles allemandes, la philosophie de la nature. Tous les grands métaphysiciens, Platon ou Aristote, chez les anciens ; Descartes, Leibniz, Schelling, chez les modernes, ont eu leur cosmogonie, leur cosmologie, leur ontologie universelle. Mais la philosophie de la nature est toute autre chose que la philosophie des sciences. L’une a pour objet les choses elles-mêmes ; l’autre, les œuvres de notre esprit. La première est une partie de la métaphysique ; la seconde serait plutôt une sorte de logique supérieure. Ce n’est pas non plus une science de la science, à la manière de Fichte, remontant jusqu’aux premiers principes de l’esprit humain, ce serait plutôt une science des sciences à la manière de Bacon. Celui-ci est le vrai précurseur d’Auguste Comte, comme nous le montrerons plus loin.

Après avoir résumé les deux conceptions fondamentales qui se sont partagé notre siècle, il nous reste à les comparer l’une à l’autre. La conception éclectique est plus large que la conception positiviste, et même elle la contient. En effet, dire que tous les systèmes sont vrais, c’est dire par là même qu’ils sont tous faux a titre de systèmes. Car, comme ces systèmes se contredisent, au moins en apparence, on ne peut les concilier qu’en retranchant de chacun d’eux ce qui est contradictoire, exclusif, particulier. Par conséquent, tous les systèmes ont tort : c’est ce qu’il faut accorder aux positivistes et ce qui était déjà contenu dans la formule éclectique ; mais cela ne veut pas dire qu’ils aient tort d’une manière absolue et qu’ils ne puissent pas entrer, à titre de parties intégrantes, dans une synthèse plus générale qui les comprendrait tous ; et quand même on ne pourrait pas exécuter cette synthèse, soit parce qu’elle est au-dessus des forces actuelles de l’esprit humain, soit parce qu’elle est au-dessus même de sa nature, il suffirait cependant de concevoir cette conciliation comme possible en soi pour qu’il soit permis de dire qu’on n’aura pas perdu son temps en étudiant ces systèmes.

Non-seulement la formule éclectique : « Tous les systèmes sont vrais, » contient la formule positiviste : « Tous les systèmes sont faux ; » mais encore on peut dire que l’éclectisme explique et