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dévotes, puis les débitant devant le peuple avec une voix grave et un visage sévère, lui parlant de Dieu, de la Providence, de la justice céleste qui distribue équitablement les biens et les maux, attaquant avec violence les méchans qui s’enrichissent de la fortune publique, et profitant de l’occasion pour lancer quelques épigrammes contre ses propres ministres, qui baissaient la tête en l’écoutant.

Malheureusement, pour ramener tous ses peuples à la même croyance, Constantin avait fort à faire. Non-seulement les païens résistaient au christianisme, mais, ce qui était plus grave, les chrétiens ne s’entendaient pas entre eux. Il fallait commencer par rétablir chez eux l’unité, avant qu’il fût possible d’imposer leur religion à l’empire. On peut dire que les schismes et les hérésies qui divisaient l’église ont empoisonné la vie de Constantin ; non-seulement il les détestait, mais il ne pouvait pas les comprendre. Un politique, un homme de gouvernement comme lui, s’indignait qu’on ne fît pas le sacrifice de ses opinions à celles du plus grand nombre. Ce qui vraisemblablement l’avait charmé d’abord dans le christianisme, c’est ce qu’il a de précis et d’arrêté dans ses dogmes et la netteté des réponses qu’il fait à la plupart des questions que l’homme se pose. Il lui semblait sans doute que, dans une doctrine si bien définie, il restait peu de place pour les contestations. Quelle ne fut pas être sa surprise et sa douleur quand il s’aperçut, au contraire, que les disputes étaient continuelles dans l’église et que les persécutions mêmes n’avaient pas le pouvoir de les arrêter ! A peine était-il devenu chrétien qu’il apprit que l’Afrique était divisée entre les catholiques et les donatistes, que les forces des deux partis se balançaient et qu’ils se livraient partout des combats furieux. Vite, il s’efforce d’assoupir la querelle ; il ordonne aux évêques de se réunir à Rome, puis à Arles ; il prie, il caresse, il menace, mais sans obtenir qu’on s’entende, et ce prince à qui rien ne résiste est forcé de reconnaître que l’autorité la plus absolue se brise contre l’obstination d’un sectaire. Un peu plus tard commence l’hérésie d’Arius. Malgré ses prétentions théologiques, l’empereur n’en aperçoit pas d’abord les conséquences ; il lui semble qu’on se bat pour des mots, et il propose un moyen admirable de tout arranger : c’est de ne pas parler des questions controversées et de ne traiter que celles sur lesquelles on est d’accord ; chacun gardant pour soi son opinion sans en rien dire, tout le monde paraîtra être du même avis. De cette façon, l’unité de la doctrine ne semblera pas compromise, ce qui est l’affaire importante. Pour désarmer les entêtés qui empêchent, par leurs disputes éternelles, le triomphe de la vérité, il a recours aux prières, il prend un ton suppliant : « Rendez-moi, leur dit-il, le calme de mes jours, le repos de mes nuits. Laissez-moi jouir d’une lumière sans nuage et goûter jusqu’à la fin