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n’est pas seul dans cette affaire; l’Angleterre, elle non plus, n’est pas seule en tête-à-tête avec la Porte. Quoi qu’elle en dise, elle ne peut pas, de son autorité propre, transformer toute une situation, placer l’Egypte en dehors des traités et du droit international consacré. Elle est liée à l’Europe par une série d’actes diplomatiques, et elle ne peut se délier sans délier les autres, sans livrer l’Orient tout entier à l’ardeur des ambitions, à l’esprit de conquête. L’Angleterre, dans la lutte qu’elle a engagée pour faire reconnaître sa prépotence sur le Nil, paraît avoir, il est vrai, la singulière fortune d’être plus ou moins secondée et appuyée par l’Allemagne, par l’Autriche, par l’Italie, qui l’aident à Constantinople dans la poursuite de sa convention ; mais elle n’a pour elle et avec elle ni la Russie, qui semble aussi peu disposée que possible à accepter la convention Drummond, ni la France, qui ne peut sacrifier tous ses intérêts; et eût-elle vaincu les scrupules du sultan, est-elle l’Italie à sa disposition, elle n’a rien fait tant qu’elle n’a pas obtenu l’assentiment de quelques-unes des principales puissances de l’Europe. C’est là toute la question. L’Angleterre, dit lord Salisbury, se passera des adhésions qu’on ne voudra pas lui donner, et, si on les lui refuse, elle restera dans l’état actuel. C’est possible. Seulement, l’occupation de l’Egypte par l’Angleterre, telle qu’elle existe aujourd’hui, est un simple fait, elle n’est pas un droit. Les puissances peuvent se taire, tant qu’elles le croient utile, devant un l’ait, elles ne peuvent pas donner leur sanction à une aussi étrange révolution du droit international. La vérité est que cette convention, à laquelle le cabinet de Londres attache tant de prix, ne résout rien, que la situation telle qu’elle existe ou telle qu’on veut la faire est un danger pour tout le monde, une cause de trouble dans tous les rapports, et que l’Angleterre serait la première intéressée à s’entendre libéralement avec la France, avec l’Europe pour reconstituer sur le Nil un ordre de choses qui puisse garantir tous les intérêts comme tous les droits.

C’est un privilège de situation géographique pour l’Espagne d’être peu mêlée aux conflits, aux querelles du continent. Ce n’est point qu’elle ne soit une puissance sérieuse qui pourrait avoir son rôle selon les circonstances : elle a certainement comme d’autres ses intérêts dans les affaires du monde, en Orient, dans la Méditerranée, dans les mers lointaines. Elle est seulement moins exposée que d’autres à subir le contre-coup des crises de l’Europe, à être entraînée dans les grandes complications. Elle est plus libre dans sa politique extérieure; elle n’a des affaires dangereuses que par accident, comme pour les Carolines. En revanche, dans sa politique intérieure, elle n’est jamais à l’abri des difficultés, des confusions, des crises parlementaires et ministérielles. Elle a la vie assez laborieuse, et la session qui vient d’être close d’une manière un peu brusque n’a pas fini visiblement dans les meilleures conditions. Elle a été dans tous les cas précédée ou accompagné