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difficile et périlleux; tout prend aussitôt de la gravité, et les affaires égyptiennes ne semblent pas pour le moment être plus aisées à dénouer que les affaires bulgares. Comment seront-elles réglées ? Arrivera-t-on même à les régler? L’Angleterre met assurément tout ce qu’elle a de ténacité et d’habileté à créer sur les bords du Nil une situation où elle puisse rester maîtresse et souveraine, avec tous les avantages d’une prépondérance reconnue et incontestée. Elle a négocié avec la Porte une convention qui lui assure à peu près tous les droits, en ménageant tout au plus quelques apparences, qui, sans l’engager beaucoup, lui donne en réalité la meilleure partie du pouvoir suzerain. Elle entre sans façon en partage de la souveraineté avec l’empire ottoman. Elle se retirera de l’Egypte si elle le croit utile, si les circonstances le permettent; elle y reviendra de plein droit s’il y a quelque danger, qu’elle se réserve d’apprécier. Et ce qu’il y a de plus caractéristique, c’est que sur ce point essentiel, décisif, d’une intervention ou d’une occupation nouvelle, — si l’occupation d’aujourd’hui vient jamais à cesser, — l’Angleterre entend évidemment n’avoir aucun compte à rendre à l’Europe, demeurer affranchie de toute obligation envers les autres puissances. Lord Salisbury l’avouait sans détour récemment : « c’est un règlement uniquement entre nous et le sultan, a-t-il dit devant le parlement. Le consentement d’autres puissances sera nécessaire pour certaines stipulations, et, s’il est refusé, nous resterons dans l’état actuel... Nos engagemens sont avec la Porte, avec la Porte seule. » Ainsi, c’est entendu, l’occupation de l’Egypte ne regarderait plus personne, elle resterait une affaire réservée entre l’Angleterre et le sultan : c’est l’objet et le sens de la convention négociée à Constantinople par sir H. Drummond Wolff, signée par le plénipotentiaire anglais avec le grand-vizir! Jusqu’ici, il est vrai, rien n’est définitif. La convention, bien que signée par les négociateurs, n’est qu’un projet, elle n’a pas reçu la sanction souveraine. Elle pourra être, elle sera sans doute ratifiée par le sultan, elle ne l’est pas encore; elle paraît même avoir rencontré des difficultés et des contestations, puisqu’on a demandé des délais successifs, et que sir H. Drummond Wolff, qui devait toujours quitter Constantinople, a plusieurs fois déjà différé son départ. Enfin, au dernier moment, des modifications auraient été réclamées au nom du sultan, qui ne cède visiblement qu’aux obsessions dont il est entouré, et l’Angleterre, pour calmer ces scrupules, ne serait pas éloignée de se prêter, sinon à modifier la convention, du moins à l’interpréter et à la préciser par une déclaration annexée au traité.

Qu’en sera-t-il maintenant de tout cela? L’Angleterre peut, sans doute, assiéger le sultan, le presser de ses menaces ou de ses séductions, et finir par lui imposer une convention à laquelle il résiste manifestement, dont il ne se dissimule pas la gravité; mais le sultan