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sur l’échelle des instrumens à vent donnent une singulière impression de mystère et de solitude. Dans la nuit, derrière les vitraux de la salle, on entend la chevauchée légère des fées et leur petit rire perlé comme une gamme de flûte. La jeune fille tremble et se presse contre son ami. Sa chanson et les réponses d’orchestre alternent très heureusement au début de la ballade, et le premier couplet semble un double frisson d’inquiétude et d’amour. Le second, plus calme, n’est pas moins gracieux. Les autres sont cherchés et tourmentés en vain, mais le dernier est peut-être le plus charmant de tous. Ce vers surtout : Donne un dernier baiser, mets ta main dans la mienne, amène une modulation délicieuse.

L’intermède instrumental intitulé la Mare aux fées rappelle à la fois le scherzo de la Symphonie héroïque et l’allégretto de la Symphonie cantate ; mais Dans la cathédrale est une inspiration simple et grandiose comme un vaisseau d’église. L’effet de ce morceau répond merveilleusement à son titre ; on voudrait l’entendre, tout seul, perdu sous les voûtes de Notre-Dame, à la chute du jour ; courber la tête sous les menaces du début et la relever quand chantent les promesses divines. Les deux thèmes sont également beaux, exposés avec franchise et sans aucune vulgarité ; je ne trouverais à reprendre que les gammes un peu mélodramatiques du milieu.

Enfin, n’achevons pas sans louer l’onction et la sérénité de la Prière, pour baryton. Elle fait songer, je ne sais trop pourquoi, à la mélodie de M. Massenet, les Enfans, élargie, élevée par une pensée supérieure. Voilà peut-être les accens les plus pénétrans de l’œuvre entière, ils doivent un peu cette puissance particulière d’émotion à l’admirable diction de M. Faure, mais aussi à la personnalité, à l’humanité du sentiment, trop souvent absente de ce sujet fantastique et légendaire.

M. Lamoureux a donné, lui aussi, deux symphonies : l’une de M. Édouard Lalo, qu’à notre grand regret nous n’avons pu entendre ; l’autre de M. V. d’Indy, l’auteur plus qu’estimable du Chant de la cloche. M. d’Indy est un des jeunes compositeurs les plus aimés par le parti avancé de la musique ; il est aussi l’un des plus aimables. Il accepte la discussion, fût-ce la contradiction. S’il vous arrive de prononcer le nom d’un homme de génie autre que Wagner, il ne vous toise pas avec trop de dédain. Il excuse le respect de Weber, de Meyerbeer, peut-être de Gounod et de Verdi ; il peut encore entendre l’ouverture du Freischütz. Il admet qu’on puisse ne pas adorer la Tétralogie sans qu’on soit le dernier des Philistins. En paroles, il n’est pas tout à fait intransigeant.

L’école à laquelle appartient M. d’Indy veut décidément rompre non-seulement avec les formules, mais avec les formes anciennes. Par