Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Palerme : l’italien, le grec, l’arabe, et, en outre, le français (probablement quelqu’un de nos dialectes du midi).

Un trait qui le rapproche de Frédéric II de Prusse, c’est d’abord son goût pour les sciences.

Sous son règne, l’école de médecine de Salerne atteignit son apogée et l’université de Naples fut constituée. On le voit entouré non-seulement de légistes, mais de médecins, de philosophes, de savans, appartenant à tous les cultes chrétiens, juifs ou musulmans. On lui attribue un Traité de la fauconnerie (De arte venandi cum avibus), qui fut tout au moins composé à sa cour et sous ses yeux, et où il n’est pas seulement question de la vénerie, mais des mœurs et de l’anatomie des oiseaux : c’est un des premiers traités de zoologie qui aient paru en Europe[1]. Des manuscrits lui attribuent également, soit comme auteur, soit comme inspirateur, un Traité « sur l’inspection des urines » et un Traité de chirurgie, sous ce titre : Benedictio vulnerum secundum imperatorem Fridericum. Un de ses familiers, Giordano Bruno, composa un Traité d’hippiatrique dont il semble faire remonter à l’empereur la paternité : Liber mariscalchiœ Friderici imperatoris. Frédéric II était un peu médecin lui-même, et, comme plus tard Pierre le Grand de Russie, un médecin un peu tyrannique ; il imposait à son entourage le régime qu’il pratiquait lui-même : diètes, saignées, bains fréquens. Un certain Michel Scot, qui paraît avoir été Anglais ou Écossais d’origine, traduisit pour lui l’abrégé, fait par l’Arabe Avicenne, de l’Histoire des animaux d’Aristote. Pour lui, un juif de Provence, Jacob ben Abba-Mari, traduisit à Naples les commentaires d’Averroès sur certains ouvrages du péripatéticien; un juif d’Espagne, Juda Cohen ben Salomon, compila une sorte d’encyclopédie intitulée Inquisitio sapientiœ (Medras Chochma). Frédéric II a encore protégé Leonardo Fibonacci, plus connu sous le nom de Léonard de Pise, et que ses distractions de savant avaient fait

  1. De sa passion pour la zoologie, faut-il rapprocher son goût pour les animaux exotiques que ses amis, les princes de l’islam, lui envoyaient en présens? Il entretint de véritables ménageries. A la diète de Ravenne en 1231, à la grande diète de Mayence en 1235, il exhiba aux Italiens, aux Teutons ébahis, des lions, des panthères, des léopards, des hyènes, des chameaux, des dromadaires, des faucons blancs, des hiboux barbus. Au siège de Brescia, il eut des chameaux et des dromadaires pour porter ses bagages : son camp ressemblait à celui d’un roi de Perse ou d’un rajah de l’Inde; l’Italie eût pu croire à l’invasion du grand Mogol et non d’un empereur germain. Il avait reçu du sultan d’Égypte un éléphant très bien dressé et très doux : dans les batailles, on lui plaçait sur le dos une tour carrée que défendaient des archers sarrasins; dans les fêtes, cette tour était occupée par des trompettes, garnie de bannières aux quatre angles, et au centre flottait le grand étendard de l’empire. En 1235, il fit don du noble pachyderme aux citoyens de Crémone.