peu importans, et il s’y était bien vite distingué de ses rivaux. Malgré l’éclat de sa précoce renommée, il se trouvait cette fois perdu dans la foule. Si légitime que fût son ambition d’en sortir et de marcher de pair avec les premiers, il était trop clairvoyant pour ne pas sentir tout ce qui lui manquait encore avant de se mesurer avec eux. Il s’appliqua donc courageusement à se fortifier dans cette science des formes humaines que, par l’étude du nu et par l’anatomie, les Florentins avaient déjà poussée à la perfection. Les modèles féminins qu’il pouvait désormais se procurer lui offraient des ressources nouvelles pour lui et que l’Ombrie lui aurait toujours refusées. Que d’enseignemens il allait aussi trouver dans les œuvres des sculpteurs ou des peintres ses devanciers! Sans aucune hésitation, ses instincts d’artiste et son bon sens pratique le guident sûrement dans les voies de progrès les plus prochaines. Aucun changement brusque dans ses allures ; il ne songe pas plus à renier son passé qu’à se laisser enchaîner par lui. De ce qu’il a déjà acquis, il garde ce qui mérite d’être conservé, mais il veut étendre ses conquêtes. Ainsi que l’a justement remarqué M. Ch. Clément, « génie plus intelligent que créateur, il se transforme sans parti-pris, à mesure que l’âge et les circonstances modifient ses impressions;., et dans un milieu nouveau, il se laisse pénétrer par de nouvelles influences. » A Florence, ces influences s’offraient à lui nombreuses, pleines de séduction ; tour à tour il s’abandonne aux plus diverses, mais jamais il ne se livre tout entier. Nous le voyons continuer sans relâche la production des tableaux religieux qui ont commencé sa réputation ; mais il arrive graduellement à donner plus d’ampleur et de mouvement, une expression de vie plus intense à ces figures de vierges dont la Belle jardinière et la Vierge du grand-duc demeurent pour la période florentine les types accomplis.
En même temps que les productions de l’artiste sont de plus en plus goûtées, son savoir-vivre, sa bienveillance et sa distinction le font apprécier de ses confrères. Dans leurs ateliers fréquentés alors par la société la plus polie, il sait tenir sa place. Il y rencontre les esprits cultivés de ce temps, des hommes du monde, des lettrés qui l’initient à toutes les nobles curiosités, et des patrons, tels que ce Taddeo Taddei, qui, gagné par sa bonne grâce, lui offre chez lui l’hospitalité la plus cordiale. Avec un tact exquis, Raphaël justifie toutes les faveurs, toutes les affections dont il est l’objet. Le voilà bientôt très en vue, et les portraits qu’on lui demande lui fournissent, avec les modèles qui posent devant lui, l’occasion d’étudier la nature d’une manière plus suivie qu’il n’a fait jusqu’alors. Ce séjour à Florence est d’ailleurs coupé par des excursions aux environs, à Urbin sa chère patrie, à Pérouse où, dans la fresque de San-Severo