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plus récentes recherches de la critique, ce beau livre nous offre le dernier mot de ce qu’on sait maintenant sur Raphaël. Il dispense de la plupart des travaux antérieurs, puisqu’il les résume et les complète. En y puisant très largement, nous voudrions, après avoir rappelé brièvement ici la vie de l’Urbinate, essayer de marquer ce que l’artiste a dû à ses devanciers et ce qu’il y a ajouté de lui-même; peut-être montrerons-nous mieux ainsi le véritable caractère et l’originalité de son génie.


I.

Un sentiment bien naturel nous porte à rechercher autour du berceau des hommes célèbres les premières impressions qu’ils ont pu recevoir à leur entrée dans la vie et les influences diverses qui ont décidé de leur vocation. Malgré le grand nom de Raphaël, et quoique le trajet soit aujourd’hui devenu bien plus facile, peu de voyageurs seulement se détournent des routes battues pour pousser jusqu’à Urbin. Ceux qui le font sont récompensés de leur pèlerinage. Le lieu, il est vrai, est écarté; mais il a par cela même mieux conservé sa physionomie, et, en présence de cette nature un peu sauvage et de ces monumens restés intacts, les souvenirs du passé reviennent en foule à l’esprit. La rudesse du climat, la pauvreté du sol ont fait là une race forte et vaillante, et quand des rues de cette ville fièrement campée sur les pentes de l’Apennin, on aperçoit par échappées les montagnes aux profils austères qui l’environnent, on comprend que cette population énergique n’ait dû qu’à ses efforts opiniâtres la culture qu’elle s’est donnée. C’est dans ce coin retiré de l’Ombrie que naquit Raphaël. Son père, Giovanni Santi, appartenait à une famille de condition modeste, originaire d’un bourg voisin; mais, vers 1450, le peu de sécurité de la contrée avait décidé son aïeul à se fixer à Urbin ; et le fils de ce dernier, marchand comme lui, devenu possesseur d’une petite aisance, y avait acquis, en 1463, la maison où Raphaël venait au monde, le 28 mars 1483[1]. Il ne devait pas conserver longtemps ses parens. A l’âge de huit ans, il perdit sa mère (7 octobre 1491), et son père, qui s’était remarié moins d’un an après, mourait lui-même le Ier août 1494. Il avait certainement fait donner à son fils une instruction convenable, et nous en avons pour preuve l’élégance de l’écriture de Raphaël, la netteté et l’aisance avec lesquelles nous le voyons exprimer ses

  1. Une souscription publique a permis d’acquérir, en 1873, une partie de cette maison et d’y installer, après l’avoir restaurée, un petit musée consacré à la mémoire de Raphaël. L’académie d’Urbin, la plus ancienne de toute l’Italie, a veillé à cette appropriation et réuni dans ce local plusieurs reproductions d’œuvres du maître, une fresque de Giovanni Santi et quelques objets lui ayant appartenu.