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M. A. Gruyer, qui, dès 1858, préludait par ses deux volumes sur les Fresques de Raphaël à celle suite de consciencieuses monographies dans lesquelles il s’attachait à nous montrer les aspects divers de ce fécond génie, suffiraient à prouver que la critique française n’est point restée en arrière de ce mouvement d’études. Ici même, dans trois articles qui, réunis ensuite, devaient obtenir un succès aussi durable que mérité[1], M. Ch. Clément avait su, en rapprochant de Raphaël les deux plus grands maîtres de son temps, caractériser nettement des acceptions de l’art très différentes, mais également élevées, et formuler sur ce prodigieux triumvirat des jugemens dont le temps n’a fait que consacrer l’autorité.

En abordant après tant d’autres un si beau et si vaste sujet, M. Müntz s’est proposé de pénétrer plus avant qu’on n’avait fait jusque-là dans l’intimité de la vie et dans le détail de l’œuvre de Raphaël, et de nous communiquer tous les renseignemens que nous possédons, non-seulement sur lui, mais sur sa famille, ses maîtres, ses protecteurs ou ses amis, et sur les milieux divers où il a vécu. La tâche était longue et difficile. M. Müntz y était préparé par tous ses travaux, par ses recherches dans les archives romaines, dont M. Boissier rappelait à nos lecteurs les nombreux et importants résultats, par ses études sur les Mosaïques et sur l’Iconographie chrétienne, qui éclairent de si précieuses lumières les origines de .la peinture moderne, enfin par les deux ouvrages, les Précurseurs et la Renaissance en Italie et en Finance ii l’époque de Charles VIII, où il était amené à embrasser dans son ensemble ce grand mouvement d’efforts et de culture dont le XVIe siècle allait marquer la maturité et le terme. Quant à Raphaël lui-même, M. Müntz a vu presque toutes ses œuvres et il a lu tout ce qu’on a écrit sur lui. Aux informations déjà recueillies par ses prédécesseurs, il a ajouté son large contingent d’informations nouvelles, fruit de ses propres investigations. Sans les souligner à notre attention, il les présente modestement au cours d’un récit dans lequel tous les témoignages sérieux, rapprochés les uns des autres, ont été scrupuleusement choisis, habilement mis en ordre avec la haute impartialité qu’on pouvait attendre d’un savoir aussi étendu, d’une intelligence aussi ouverte et d’un goût aussi exercé. Tel qu’il est aujourd’hui, consacré par les suffrages de l’Académie française, notablement amélioré dans les illustrations de sa seconde édition, et tenu au courant des

  1. Michel-Ange, Léonard de Vinci et Raphaël; Revue des Deux Mondes des 1er juillet 1859, 1er avril et 1er juin 1860. Les six éditions successives du livre de M. Ch. Clément et les traductions qui en ont été faites dans toutes les langues disent assez la valeur de cette étude, qui témoigne d’un sentiment esthétique aussi délicat que personnel, et où l’admiration pour de pareils génies reste toujours clairvoyante et impartiale.