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renfermera vers les derniers jours au moins 610 millions[1]. La Belgique, qui a versé dans notre circulation 310 millions de francs en écus belges, nous renvoie 80 millions en écus français : restent 230 millions dont nos voisins reprennent 115 millions contre de l’or et laissent 115 millions d’argent déprécié à nos risques et périls.

Les écus italiens font nombre au minimum pour 280 millions. L’Italie n’a pas plus, à ce qu’on assure, d’une dizaine de millions à nous renvoyer : reste à son compte 270 millions; comme elle a obtenu le traitement le plus favorable, celui de la Belgique, elle laisse aussi 135 millions à notre charge et n’est obligée à rembourser en or que 135 millions.

Pour la Suisse, c’est autre chose, et la liquidation est pour elle une affaire d’or : elle n’a pas fabriqué à son effigie plus d’une dizaine de millions en pièces de 5 francs. Sa circulation intérieure est évaluée à une centaine de millions, et elle a eu l’habileté d’attirer chez elle pour ce mouvement monétaire les écus français et italiens, de sorte qu’après avoir économisé les frais de monnayage, elle va renvoyer les pièces de 5 francs un peu fatiguées et recevoir en échange des pièces de 20 francs. Il a été convenu que le solde de la France ne pourrait pas dépasser 60 millions, celui de l’Italie 20 millions; espérons qu’on n’atteindra pas ces extrémités. Au surplus, si la Suisse se trouve avantagée, il serait injuste de lui en faire un reproche ; ses représentans aux conférences ont plus d’une fois signalé les écueils du système proposé et demandé qu’on adoptât l’étalon unique d’or, ce qui eût rendu impossible l’imbroglio financier dont on ne sortira pas indemne. — De la Grèce, il n’y a rien à dire, étant soumise au régime du cours forcé ; il est probable, d’ailleurs, que l’équilibre s’établira dans l’échange des pièces entre les deux pays.

Voilà, certes, une perspective qui n’est pas brillante. Cette liquidation, sans pareille dans l’histoire financière, fera rentrer en France, déduction faite du versement à la Suisse, environ 250 millions en or ; mais le remboursement de cette somme serait distribué en cinq années, avec un modique intérêt de 1 pour 100 : en même temps, le trésor français, qui prend bénévolement toute la perte éventuelle à sa charge, resterait détenteur de 250 millions de francs en pièces étrangères, dont le discrédit représente aujourd’hui une perte de 55 millions ; qui peut dire ce que perdra le

  1. M. Jules Roche, dans son rapport à la chambre des députés, dit 700 à 800 millions; il a compris sans doute dans ce total les pièces divisionnaires à titre abaissé, qui ne sont pas en cause; il s’agit seulement ici des pièces de 5 francs considérées comme monnaie de paiement.