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Naples, et à peine arrivé à Laybach, il s’est hâté de désavouer la révolution, le parlement, tout ce qui s’est fait depuis le 2 juillet 1820. Il n’est plus que le client des alliés, et M. de Metternich, qui est quelquefois sans illusion, qui n’est pas toujours respectueux même pour les princes qu’il restaure, écrit en parlant du roi de Naples : « c’est la seconde fois que je suis chargé de le remettre sur ses jambes, vu qu’il a la mauvaise habitude de toujours retomber ; mais aussi beaucoup de rois s’imaginent que le trône n’est qu’un fauteuil sur lequel on peut s’endormir à son aise. En l’an 1821, un pareil siège est peu commode pour dormir et bien mal rembourré... »

Dès lors, tout se presse. Entre les Napolitains, qui ont refusé de se soumettre à une dernière sommation, qui paraissent résolus à se défendre, et l’armée autrichienne, qui est déjà en marche sous les ordres du général Frimont, la lutte est décidée. M. de Metternich est le grand meneur de cette action qu’il a si patiemment préparée, qu’il voit désormais engagée. Il se peint lui-même d’un trait leste et toujours suffisant dans tout ce mouvement du début d’une campagne, dans une de ces journées d’agitation où il a autour de lui trente personnes, l’une demandant un ordre, l’autre un conseil, sans compter les impatiens et les nouvellistes : « Mon cabinet ressemble plus que jamais à un quartier-général, écrit-il... — Aujourd’hui (6 février 1821), soixante mille hommes passent le Pô. En moins de trente jours, ils seront assis sur les chaises curules des législateurs parthénopéens, ce qui prouvera que je sais ne pas hésiter. Mes ennemis doivent me trouver fort incommode pour eux... J’ai aujourd’hui le même sentiment que celui que j’éprouvais le 15 août 1813. C’est pourtant un grand poids que celui d’une armée qu’on a sur les épaules... « Il compte les étapes de l’armée autrichienne s’avançant sur le Garigliano. Il a aussi l’œil sur ses alliés, qu’il entraîne à sa suite, comme sur les libéraux de l’Europe, qui commencent à se déchaîner contre l’intervention. Il trouve le moyen de lire les brochures de M. Bignon, de M. de Pradt, qui lui arrivent de Paris, et même de se moquer des pronostics retentissans du général Foy, annonçant dans la chambre française que « les Autrichiens ne sortiraient pas des Abruzzes s’ils réussissaient à y entrer. » Il se flatte de trouver des chemins plus faciles ; à vrai dire, il craint plutôt que les « rebelles » ne se dérobent et ne refusent la bataille. Il est persuadé qu’au premier choc tout cela « s’en ira en fumée, parce qu’en somme ce n’est que de la fumée. » — « Si je compte bien, écrit-il peu à après, notre entrée à Naples doit se faire demain. Ainsi c’en serait fait de cette révolution, une grande fantasmagorie a disparu de fait; en moins de huit jours, elle aura cessé d’exister!.. »