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J’en ai assez dit pour faire comprendre l’action secourable que la communion réformée exerce en faveur de ses coreligionnaires malheureux ; je n’ai parlé ni ne ses ouvroirs, ni de ses ateliers d’aveugles, ni de ses hospices pour les vieillards, ni de ses asiles ouverts aux servantes sans place et aux ouvrières sans famille, ni de bien d’autres œuvres qui la montrent ambitieuse de bien faire et en quête de toute forme de souffrance, afin de la soulager. Elle est en émulation, profite de l’expérience d’autrui et souvent donne l’exemple. Par cela même qu’elle est peu nombreuse, elle est très vivace et s’affirme par ses actions. Dans le salut de la misère parisienne, elle est un élément considérable. Des chiffres que j’ai surpris plutôt qu’ils ne m’ont été communiqués me permettent de dire que l’offrande spécialement réservée aux protestans malheureux par les protestans riches s’élève annuellement à la somme de 1,540,000 francs ; si à cela on ajoute les dépenses faites depuis deux ou trois années pour la construction des écoles et des maisons hospitalières, on arrive à un total de 3,600,000 francs, qui est certainement au-dessous de la vérité ; — je n’ai rien à dire des aumônes personnelles, de ce qui est donné mystérieusement par des mains discrètes, par les dames visiteuses des malades, par les banquiers en bonne fortune de charité ; c’est la bienfaisance occulte, elle ne m’a point révélé son secret.

De ce qui précède, on aurait tort de conclure que le monde protestant de Paris se cantonne dans des œuvres exclusives dont seule la misère protestante est admise à profiter. Il n’en est rien. Les partisans de la réforme sont attirés de préférence vers leurs coreligionnaires, rien n’est plus naturel ; ils cherchent à remédier à leurs maux, à les maintenir en conduite correcte, à les redresser dès l’enfance, à leur adoucir les derniers jours, à les empêcher d’être un objet de scandale, c’est au mieux ; en le faisant, ils accomplissent un devoir de respect pour eux-mêmes, de sauvegarde pour leur communion, de commisération pour les infortunes fraternelles. C’est là l’œuvre légitime et très honorable d’une minorité à laquelle rien ne coûte pour conserver une irréprochable attitude et ne pas compromettre son renom. Mais si les protestans se souviennent avec prédilection de leur église qui a traversé la Saint-Barthélémy, la révocation de l’édit de Nantes et les dragonnades, ils n’oublient pas qu’ils appartiennent à la tribu parisienne où gémit tant de souffrance, où lutte tant de misère. Dans une mesure très appréciable,